Claude Demelenne
Je n’irai pas pleurer sur la tombe de l’Union de la gauche à la française (carte blanche)
La nouvelle gauche française est déjà mal en point, selon l’essayiste Claude Demelenne. Pour qui son « gourou », Jean-Luc Mélenchon, la dynamite avec entrain, en « caressant les dictateurs chinois dans le sens du poil. Au secours, cette gauche-là a perdu ses repères ! »
En s’alliant avec La France insoumise (LFI), les socialistes et les Verts ont sauvé quelques dizaines de sièges à l’Assemblée nationale. Merci Mélenchon ? Franchement, non. Depuis le scrutin législatif de juin, la gauche est dans ses petits souliers. Ses promoteurs ont cru qu’il était possible de faire un ménage à quatre (LFI, PS, PC, Europe écologie les verts). Il était évident que cette union atypique baptisée la NUPES (nouvelle union populaire écologique et sociale) aurait du mal à s’installer dans la durée. Mais on ne pensait pas que les jeunes mariés allaient se quereller si vite.
Mélenchon irrite à gauche
Comme d’habitude, Jean-Luc Mélenchon a pris un malin plaisir à ruer dans les brancards. Il a publié, sur son blog, un texte qualifiant de « provocation » la visite à Taïwan de Nancy Pelosi, la présidente américaine de la chambre des Représentants. Accusant les Etats-Unis de vouloir « ouvrir un nouveau front », le penseur de LFI a repris à son compte tous les poncifs de la propagande chinoise. Les cocos de Pékin ont apprécié le cadeau : l’ambassade de Chine en France a immédiatement publié un communiqué remerciant Mélenchon pour son soutien.
Les propos du camarade Mélenchon ont choqué beaucoup de socialistes et d’écologistes. Le plus virulent a été Raphaël Glucksmann, tête de liste des socialistes aux européennes de 2019. Pour ce dernier, « la solidarité avec les Taïwanais construisant une démocratie vibrante sous la menace permanente des autocrates de Pékin, n’est pas négociable ». Glucksmann enfonce le clou : « Recevoir les félicitations et les remerciements d’un régime qui parque des millions d’êtres humains dans des camps, comme Jean-Luc Mélenchon vient de le faire sans en être apparemment le moins du monde dérangé, ce n’est pas rien ».
Une barbarie qui ne semble guère gêner nos vaillants insoumis
Le patron du PS, Olivier Faure, a également réagi, de même que celui des Verts, Julien Bayou, pour dire tout le mal qu’ils pensaient des écrits de Mélenchon. Candidat écologiste à la présidentielle, Yannick Jadot a rappelé que « le nationalisme chinois est un outil de propagande pour justifier la barbarie ». Une barbarie qui ne semble guère gêner nos vaillants insoumis : en janvier, lors de l’adoption à l’Assemblée nationale française d’une résolution reconnaissant le « caractère génocidaire » des exactions des communistes chinois contre les Oïghours, les députés de la France insoumise s’étaient abstenus. La candidate socialiste, Anne Hidalgo, avait jugé « indigne » cette abstention.
Les insoumis ? Plutôt des soumis !
Sans surprise, Mélenchon a pu compter sur le soutien sans faille des élus de LFI. Ceux-ci suivent aveuglément leur « penseur », le petit doigt sur la couture du pantalon. Des insoumis, les camarades de Mélenchon ? Avant tout des soumis à la doxa mélenchoniste : anti-américanisme primaire, détestation de la social-démocratie, fascination pour les ‘hommes forts’ (Castro, Chavez, Poutine avant l’invasion de l’Ukraine…), haine des ‘élites’ … Hors de cette ligne politique, point de salut.
Les troupes de Mélenchon sont disciplinées, et pas seulement dans le débat sur la Chine et Taïwan. Cela s’est vérifié, il y a quinze jours, lors du vote au parlement français pour l’adhésion à l’OTAN de la Suède et de la Finlande. Les députés PS et Ecolo ont voté pour l’adhésion, les députés LFI ont voté contre. Une grande majorité des Suédois et des Finlandais demandent cette adhésion, mais cela ne trouble guère la gauche mélenchoniste, pour qui la volonté des peuples , à Taïwan comme en Suède, importe peu.
Une alliance contre-nature
L’alliance entre la France insoumise d’une part, le PS, les Verts et le PC d’autre part, est contre-nature. Les gros mots qui ont été échangés à propos de Taïwan, sont révélateurs. Tôt ou tard, mais sans doute plus rapidement que prévu, la nouvelle union de la gauche française explosera. Je n’irai pas pleurer sur sa tombe. L’alliance avec le mélenchonisme, idéologiquement dogmatique et brutal, est contre-nature. La gauche française doit retrouver ses repères et cesser de copiner avec n’importe qui.
Claude Demelenne, essayiste, auteur de plusieurs ouvrages sur la gauche
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