Guillaume Gautier

Garcia n’est pas votre sélectionneur de rêve? C’est sans doute celui que les Diables méritent

Guillaume Gautier Journaliste

Rudi Garcia est le nouveau sélectionneur des Diables rouges. Certains rêvaient bien plus grand. Ceux-là oublient sans doute un peu le CV du coach, et beaucoup le niveau de la Belgique.

Quelques semaines après que le nom de Sergio Conceição, et ses contacts assidus avec Vincent Mannaert, ait fuité dans Le Soir, quelques jours après avoir vu le nom de Julen Lopetegui susciter un enthousiasme modéré dans la foulée de son licenciement à West Ham, c’est quelques heures avant sa présentation officielle que la Fédération a posé dans les boîtes mail de la presse du Royaume le nom de Rudi Garcia. Une annonce restée secrète qui n’a pas pour autant soulevé un élan d’enthousiasme chez les suiveurs. Peut-être parce que «mettre un Français à la tête de la Belgique, c’est un peu comme mettre un Brésilien en Argentine», disait Stephan Streker sur le plateau de La Tribune, talk-show hebdomadaire de la RTBF. Ou parce que les dernières lignes du CV du coach français renseignent des étapes trop éphémères à Al-Nassr puis à Naples. Si son nom a encore été lié au FC Porto dans les derniers jours, le Parisien était sans banc de touche depuis le milieu du mois de novembre 2023, et il devait bien y avoir une raison.

Peut-être, encore, parce que sur ce qu’il aime appeler les «réseaux des cas sociaux» (expression qu’il utilise dans le podcast «Carré»), le nouveau sélectionneur des Diables est souvent caricaturé dans l’Hexagone en homme fort des entretiens d’embauche. «L’homme des rendez-vous», l’appellent même certains dans le milieu, pour sa faculté à vous convaincre en une présentation PowerPoint et quelques phrases d’accroche bien senties. Dès sa première rencontre avec la presse nationale, massée dans les sièges de l’auditorium de Tubize, il parle comme un naturalisé: «On était encore il y a peu une des meilleures nations, on peut le redevenir».

Il serait toutefois malhonnête de réduire l’homme à son sens de la formule, à ce ton chaleureux et pertinent qui fait que beaucoup de téléspectateurs français le considèrent comme le meilleur consultant TV du PAF. Parce que l’épluchage du CV renseigne aussi deux deuxièmes places dans le Calcio, derrière l’intouchable Juventus du début des années 2010 mais avec un style de jeu salué; une finale d’Europa League, aussi, avec un Marseille bouillant en 2018, butant sur l’Atlético Madrid de Griezmann en finale après avoir sorti Bilbao, Salzbourg ou Leipzig; une demi-finale de Ligue des Champions, encore, avec Lyon et en s’offrant le scalp de la Juve de Cristiano Ronaldo et du Manchester City de Pep Guardiola lors d’une édition 2020 marquée par les stades vides. Certes, il n’y a là que des médailles en chocolat, dans un palmarès vierge de tout trophée depuis son doublé coupe-championnat de France à la tête de Lille en 2011. Mais si Rudi Garcia avait été champion, d’Italie ou d’Europe, aurait-il vu les portes coulissantes du Proximus Basecamp de Tubize s’ouvrir devant lui?

En 2016, déjà, alors qu’il est libre depuis le mois de janvier suite à son éviction de l’AS Roma, le Parisien joue des coudes avec Roberto Martinez dans la short-list de la commission technique de l’Union belge. Il obtiendra finalement le poste près de neuf ans plus tard, le deuxième choix d’une génération dorée en plein essor étant devenu la piste privilégiée au crépuscule des derniers héros belges des années 2010. Un symbole du déclassement de la Belgique?

Si la conjonction des talents de Kevin De Bruyne, Eden Hazard et Thibaut Courtois avait attiré bien des convoitises voici une petite décennie, les temps ont changé. Vincent Mannaert a lancé ses hameçons dans tous les sens, mais n’a récolté que les poissons appâtés par la sélection belge. Ils se classent en deux catégories: les Tedesco et Conceição, des coaches qui rêvent d’un jour diriger les plus grands clubs mais n’en ont pas encore eu l’occasion (arrivée depuis pour le Portugais), et les Garcia ou Lopetegui, qui se sont brûlé les ailes en touchant les sommets du bout des doigts. Parce que si un coach a réussi au Real Madrid ou est en passe de signer au Milan AC, il ne sera certainement pas intéressé à l’idée de mener la sélection belge. Entre les deux styles de poissons, la Fédération a choisi d’opter pour ceux qui ont déjà approché les sommets. Sans doute parce que l’expérience Tedesco a montré qu’on ignorait trop comment les autres réagiraient au contact de l’altitude.

Comme des parents qui veulent le meilleur pour leur enfant, les supporters rêvaient sans doute bien plus grand pour «leurs» Diables.

Pour eux, la Belgique n’a probablement pas choisi le sélectionneur idéal.

La réalité, c’est que la Belgique a sans doute le sélectionneur qu’elle mérite.

 

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire