Gérald Papy

Opinion Gérald Papy

Répression des femmes en Afghanistan: la honte des Occidentaux

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Entre l’abandon des Gazaouis et celui des femmes afghanes, quel est celui qui, au regard de l’histoire, suscitera le plus grand sentiment de honte aux dirigeants occidentaux?

En ce temps de passage d’une année à l’autre propice à la rétrospective, difficile de déterminer laquelle de ces deux situations, l’abandon des Gazaouis au feu destructeur d’Israël ou l’abandon des Afghanes à l’oppression des talibans, est celle qui suscitera rétrospectivement le plus grand sentiment de honte parmi les dirigeants des grandes puissances, et singulièrement ceux des pays occidentaux.

Depuis trois ans, après une période de six mois marquée par une vague incertitude entourant les desseins du nouveau pouvoir taliban, celui-ci n’a cessé de restreindre les droits des femmes dans l’accès à l’éducation, au travail, à la mobilité, à la parole même, sans que cette répression continue, massive et inédite ne suscite de réaction solide de la part des Etats occidentaux. Leur responsabilité est pourtant engagée dans ce fiasco après le quart de siècle passé à déployer dans le pays des moyens militaires, à y déverser des milliards d’euros dans l’édification d’un Etat de droit, finalement en pure perte malgré les avancées certaines en matière de droits des femmes notamment. En se montrant incapables d’assurer la paix sur l’ensemble du territoire, les éradicateurs du groupe islamiste Al-Qaeda auteur du 11-Septembre et les «libérateurs» du premier joug taliban s’exposaient à la montée de la colère de la population lassée de la poursuite des combats et à la résurgence des «étudiants en théologie», partisans de lois liberticides certes, mais avant tout garants d’une pacification retrouvée.

On ne peut pas imaginer que l’atonie des Occidentaux face au dédain des droits humains par les talibans puisse s’expliquer par le constat cynique que ceux-ci auraient réduit la production de drogue locale, qu’ils entraveraient l’activité et le risque de projection vers l’étranger de l’Etat islamique, qu’ils auraient contenu l’immigration vers l’Europe en rétablissant la paix, et que, somme toute, le sort des femmes représenterait un poids négligeable dans la balance des avantages et des inconvénients de la présence d’un pareil régime à Kaboul. On n’ose pas l’imaginer, mais il y a sans doute quand même un peu de cela pour expliquer l’attitude des puissances occidentales, à côté de leur focalisation, rien qu’en matière de politique internationale, sur les conflits en cours en Ukraine et au Proche-Orient… L’Afghanistan, quel enjeu stratégique? Tant qu’il n’est pas un nouveau foyer de propagation de l’idéologie djihadiste… Mais à force de s’en désintéresser, ne risque-t-on pas un jour de se réveiller avec une nouvelle alliance mortifère entre talibans et prédicateurs d’Al-Qaeda, dont les premiers ne se sont pas distanciés?

Trouver la bonne mesure dans la relation avec le régime taliban est évidemment complexe, entre nécessaire assistance à la population et indispensable fermeté envers les dirigeants. Les Européens peuvent sans nul doute mieux faire. L’indifférence qui transparaît de leur attitude actuelle est une trahison de l’espoir qu’ils ont su susciter un temps auprès des femmes de Kaboul, et un déni des valeurs qu’ils sont censés porter. Mais qui s’en préoccupe encore réellement à Paris, Bruxelles, Rome ou Varsovie?

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