Carte blanche

Face à la guerre masculiniste, opposons la résistance féministe!

Ce 30 janvier, le Conseil des femmes francophones de Belgique soufflera ses 120 bougies. C’est en effet en 1905 que Marie Popelin parvenait à unir les féministes belges autour d’une même voix: le Conseil des femmes francophones de Belgique (CFFB). Une carte blanche de Sophie Rohonyi, présidente du Conseil des femmes francophones de Belgique (CFFB).

Cette alliance a marqué le début d’une lutte acharnée pour les droits des femmes, bâtissant des fondations solides pour l’égalité. Des avancées notables ont été obtenues: le droit d’être témoin dans des actes civils, le droit de vote, l’entrée des femmes dans des professions autrefois inaccessibles, de juge à architecte, l’accès à la contraception, ou encore l’amélioration des conditions de travail dans le droit européen ….

120 ans plus tard, ces droits, obtenus avec tant de courage et de ténacité, sont attaqués de toutes parts, tant par des intégristes religieux qui invisibilisent et assassinent les femmes, que par des masculinistes d’extrême-droite qui légitiment voire encouragent la violence à leur égard.

En Belgique, l’émancipation des femmes est aussi devenue un champ de bataille politique et médiatique. Subtilement, mais sûrement. A la veille de ce qui doit être l’aboutissement du gouvernement Arizona, nous nous inquiétons de ce que les négociateurs fédéraux, tous masculins, réservent aux femmes et à leurs droits.

La force du Conseil des femmes francophones de Belgique a toujours été son pluralisme, la présence en son sein de femmes de tous horizons sociaux et politiques. Nous avons donc le devoir de dire que, dans un contexte de régression sociale générale, les mesures actuellement sur la table impacteraient de manière disproportionnée les femmes, à savoir les mesures de flexibilisation du temps de travail, de non-reconnaissance du travail de nuit, de réduction des congés notamment familiaux et de leur assimilation pour le calcul de la pension, d’octroi de prestations de l’assurance-maladie,… 

Nous nous inquiétons de ce que les négociateurs fédéraux, tous masculins, réservent aux femmes et à leurs droits.

Toujours plus malléables et précaires, les femmes seraient encore plus vulnérables aux violences économiques, psychologiques, verbales, physiques, sexuelles… Le futur gouvernement ne peut leur coller une cible dans le dos. Il doit les soutenir et favoriser leur émancipation. Or, nous n’avons rien lu pour l’instant sur la reconnaissance de la pénibilité du travail pour accéder à la pension. Rien sur la revalorisation des secteurs dans lesquels les femmes sont surreprésentées. Rien sur le soutien à l’entrepreneuriat féminin, alors que seule un entrepreneur sur trois est une femme, comme une charte aux banques pour l’octroi de prêts ou un congé de maternité plus long et mieux rémunéré.

Rien sur l’égalité salariale, sur les sanctions dissuasives à prévoir en cas de non-respect ou un « label égalité salariale » en cas de bons comportements. Rien sur le soutien aux mères qui travaillent en moyenne 2 à 3 heures de plus que les hommes à la maison, alors que les pères recourent de plus en plus au congé de paternité, sollicitant même son allongement.

Plus que jamais, la Belgique doit investir dans ces mesures égalitaires, faisant ainsi figure d’exemple, mais aussi d’exception dans un monde de plus en plus hostile aux femmes, où la mouvance masculiniste fait de plus en plus tâche d’huile, effaçant, petit à petit, chacun de ces droits que l’on pensait acquis.

 Alors qu’on célébrait il y a quelques jours les 50 ans de la loi Veil dépénalisant l’avortement, les femmes enceintes européennes sont pourchassées, contrôlées ou stigmatisées ; des médecins refusent de les soigner lors d’une fausse-couche, jusqu’à les laisser mourir ! 

La Belgique n’est pas épargnée

Nous avons en effet vu que la vague de désinformation qui concerne l’EVRAS concerne aussi l’IVG, le but étant de culpabiliser les femmes qui souhaitent recourir à l’IVG, et donc de les dissuader de mettre fin à une grossesse qui aura pourtant des conséquences irréversibles sur leur vie. Nous avons également vu des présidents de parti marchander le corps des femmes et empêcher le Parlement de voter une loi offrant pourtant enfin une solution aux femmes contraintes d’avorter clandestinement à l’étranger.

Nous refusons d’assister, impuissantes, à l’avènement d’un mouvement qui excuse la violence à l’égard des femmes et qui justifie la domination masculine.

Ces mouvements masculinistes et intégristes idéalisent un passé révolu, cherchent à rétablir un ordre patriarcal où les femmes seraient cantonnées à leur fonction reproductive et familiale. Le message est clair: ce retour à un patriarcat réaffirmé implique une remise en cause réactionnaire des droits des femmes, de leur autonomie et de leur place dans la société.

Ces courants rétrogrades, qui se nourrissent de désinformation et de haine, sont plus puissants que jamais. On les retrouve dans des hautes sphères politiques et économiques, relayés par des figures comme Donald Trump et ses alliés Elon Musk et Mark Zuckerberg, à l’Ouest, mais aussi l’ayatollah Ali Khamenei et le chef suprême des talibans, Haibatullah Akhundzada, à l’Est. Même des femmes, comme Giorgia Meloni en Italie ou Alice Weidel en Allemagne, se désolidarisent et portent cette croisade anti-féministe.

Cette réalité, véritable affront à la lutte féministe, ne peut devenir une fatalité. C’est pourquoi, 120 ans après la création du CCFB, nous refusons d’assister, impuissantes, à l’avènement d’un mouvement qui excuse la violence à l’égard des femmes et qui justifie la domination masculine. Nous refusons qu’un homme condamné pour agression sexuelle, se vantant «d’attrapper les femmes par la chatte», puisse à nouveau devenir président de la première puissance économique mondiale.

Nous refusons que les réseaux sociaux, qui ont permis #MeToo et la libération de la parole des victimes d’agressions sexuelles, soient aujourd’hui le terrain de jeu de ses auteurs. Nous refusons la censure d’associations procurant aux femmes qui en ont besoin des pilules abortives, pendant que les « trolls » restent libres de les stigmatiser, de de les harceler, de les agresser.

Nous refusons qu’en Belgique, pays considéré jusqu’il y a peu comme l’un des pays les plus progressistes au monde, les droits des femmes soient considérés comme de vulgaires variables d’ajustement budgétaire, en dépit des conséquences sur leur santé, sur leur sécurité… sur leur vie! Nous refusons cette «loi du plus fort» qui broie les plus vulnérables. Nous refusons tout appartheid à l’égard des femmes.

Face à ces offensives anti-féministes, tantôt assumées, tantôt masquées, nous sommes et resterons vigilantes, solidaires et déterminées.

Sophie Rohonyi,

Présidente du CFFB.

 

 

 

 

 

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