Hadja Lahbib
Et à part ça, Hadja Lahbib? Les réfugiés, la coiffure de Boris et Arno (chronique)
Comment saisir la réalité des plus de cinq millions d’Ukrainiens qui ont quitté leur pays?
Et à part ça? Plus de cinq millions de réfugiés ukrainiens ont quitté leur pays depuis l’invasion russe, 5,2 millions à l’heure où j’écris ces lignes, peut-être plus encore le temps d’imprimer ce magazine. Comment saisir la réalité de cette statistique? Lui donner sa pleine mesure de souffrance, d’errance, de folie, d’injustice… Imaginer la Belgique se vider de la moitié de ses habitants. Séparer aveuglément des femmes, des enfants et des hommes. Laisser les uns sur place en enfer, emmener les autres sur une terre étrangère, très étrangère… Et pourquoi pas le Rwanda? C’est le plan « audacieux et novateur », selon les termes de la ministre de l’Intérieur britannique, pour lutter contre l’arrivée de migrants par la Manche. On ne sait pas encore grand-chose de ce plan qui a soulevé une vive désapprobation des milieux ecclésiastiques, l’archevêque de Canterbury allant jusqu’à qualifier d’impies ces mesures qui visent à refouler à six mille kilomètres de la Grande-Bretagne les migrants, quelle que soit leur origine, arrivés illégalement dans le royaume. L’ idée pourrait même séduire d’autres pays, dont le Danemark, selon Londres, qui a déjà versé quelque 144 millions pour financer le dispositif.
Dans cette histoire, tout est surprenant. Les migrants que l’on déporterait à des milliers de kilomètres en vertu d’accords entre deux Etats contre monnaie sonnante et trébuchante, un peu à l’instar des déchets dangereux envoyés par les pays riches afin qu’ils soient traités dans les pays en voie de développement.
Le choix du Rwanda, alors que l’année dernière le Premier ministre britannique pointait du doigt le pays pour son manque de respect des droits civiques et les atteintes à la liberté de la presse. Aujourd’hui, le même Boris Johnson qualifie le Rwanda de « pays le plus sûr au monde, internationalement reconnu pour son accueil et son intégration des migrants ».
Pas sûr que les opposants qui fuient le Rwanda et craignent pour leur vie, même quand ils sont à l’étranger, soient de cet avis. Ce qui semble certain, c’est que la désapprobation par rapport à ce projet qualifié de solution du XXIe siècle au problème migratoire gagne du terrain. Les syndicats préviennent qu’une rébellion parmi les fonctionnaires de l’Intérieur, outrés par ces mesures jugées contraires aux droits humains, n’est pas à exclure. Il leur a été répondu que le devoir du fonctionnaire était de mettre en oeuvre les politiques du gouvernement, y compris celles qui sèment la discorde, ou de partir.
Partir! Fuir les règles absurdes comme on fuit la guerre, la faim, la misère… Ou contraindre Boris à aller chez le coiffeur. Car Arno, quand il ne composait pas des chansons qui nous rendaient fiers d’être Européens, disait que c’était sa coupe le problème du XXIe siècle, pas la migration. Tu nous manques, Arno.
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