Anne-Sophie Bailly
Taxation des ultrariches, un premier pas au G20
Instaurer une taxation des ultrariches: telle était l’ambition du G20. Qui n’a abouti qu’à un compromis. Pour autant, ce n’est pas un coup d’épée dans l’eau.
L’ambition était grande et les préparatifs à la mesure du défi. Un rapport d’une cinquantaine de pages avait été commandé à l’économiste Gabriel Zucman pour servir de base de travail. Un plaidoyer chiffré de l’ONG Oxfam avait été opportunément diffusé. Le Brésil espérait donc bien marquer les esprits en mettant au cœur des discussions du G20 l’instauration d’une taxe des milliardaires.
Et de fait, à côté des classiques états de la situation économique et des perspectives de croissance, c’est la possibilité d’instaurer un tel impôt sur la fortune des ultrariches qui a cristallisé l’attention. Avec, in fine, la conclusion d’un compromis selon les termes duquel les pays du G20 se sont engagés à coopérer pour que les personnes les plus fortunées soient davantage taxées.
On est évidemment loin de l’ambition initiale issue du rapport du jeune économiste français: instaurer un impôt minimum annuel de 2% sur le patrimoine des milliardaires, qui remplacerait la taxation sur le revenu à laquelle les ultrariches échappent le plus souvent en limitant au maximum leur assiette imposable. Une telle taxation sur le patrimoine de quelque 3.000 milliardaires, avait calculé Gabriel Zucman, rapporterait entre 200 et 250 milliards de dollars.
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Ni cette idée, ni ce pourcentage ne figurent donc dans la déclaration finale du G20. D’aucuns s’en désolent. Pourtant rien de mieux ne pouvait émerger de cette réunion. Les Etats-Unis comme l’Allemagne avaient d’ailleurs rapidement faire savoir leur opposition à ce projet, estimant que lever l’impôt devait rester une prérogative nationale. Et surtout, cette proposition ne pouvait se concevoir sans un changement de paradigme majeur qui aurait opéré un shift d’un système fiscal traditionnellement orienté sur la taxation du revenu de la personne physique vers une imposition de son patrimoine. Avec la question à plusieurs milliards de dollars: comment évaluer ce patrimoine? Plus précisément: comment évaluer la valeur des entreprises détenues en tout ou en partie par ces milliardaires? Comment connaître l’envergure de leur portefeuille immobilier? Comment répertorier leurs placements alternatifs, telles les œuvres d’art, les voitures de collection, les caves à vin…
Le compromis issu du G20 est un premier pas vers davantage de justice fiscale.
Néanmoins, pour la première fois, les représentants des premières économies de la planète se sont accordés sur l’idée que les plus riches devaient contribuer plus justement à l’impôt et que la manière de les imposer devait être revue. Que limiter la concurrence fiscale entre Etats était nécessaire pour réduire les inégalités sociales et lutter contre le sentiment de défiance envers les institutions.
En cela, ce compromis est un premier pas vers davantage de justice fiscale. Et c’est loin d’être anodin.
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