Anne-Sophie Bailly
Tout ce qu’on n’a pas envie de dire et d’entendre sur les finances publiques de la Belgique
Tous les organismes le disent, préviennent et mettent en garde: l’état des finances publiques de la Belgique est désastreux. Mais c’est difficile à répéter. Et pas grand monde n’a envie de l’entendre.
«Ce gouvernement laisse notre pays plus fort qu’avant la crise.» C’est avec cette affirmation qu’Alexander De Croo clôturait le bilan de la Vivaldi.
A côté du message politique, économiquement, il y a du vrai là-dedans. La Belgique affichait l’an dernier un taux de croissance de 1,5%, contre 0,5% pour la moyenne européenne. La demande intérieure du pays reste soutenue. Les entreprises poursuivent leurs investissements et le pouvoir d’achat des Belges s’affiche globalement en hausse.
ll y a du vrai, donc. Il y a aussi beaucoup de faux. Notamment le fait que sous cette législature, le pays s’est encore plus lourdement endetté. On ne compte plus les organismes dénonçant l’insoutenabilité des finances publiques. Dernière en date, l’agence Bloomberg pointait récemment dans un portrait au vitriol «qu’entravée par un système politique en proie à des dysfonctionnements» la Belgique «dépense au-delà de ses moyens». Avant cela, c’était la Commission européenne qui avertissait que «s’il ne contrôle pas mieux ses dépenses», le pays afficherait un déficit public de 4,7% du PIB fin 2024 et de 5,6% en 2029. Ce qui, pointait la Banque nationale, placerait le pays à l’avant-dernière place des déficits des membres de l’UE, seule la Slovaquie faisant pire. Même mise en garde du Bureau du plan: la croissance ne suffira pas à compenser l’augmentation des dépenses primaires.
«Le gouvernement suivant aura une base solide pour continuer», a poursuivi Alexander de Croo. Une affirmation dans laquelle, cette fois, il est difficile de trouver un peu de vrai dans tant de faux. Car non seulement les finances publiques constituent tout sauf une base solide mais, de plus, elles seront confrontées au nouveau carcan budgétaire européen qui impose un retour aux règles de Maastricht, un déficit public annuel qui ne doit pas excéder 3% du PIB et une dette publique inférieure à 60 % de celui-ci. Pour la Belgique, ça risque de faire mal. En fonction de la flexibilité qu’accordera la Commission européenne dans les trajectoires budgétaires, on évoque 27 milliards d’économies. Peut-être davantage, en fonction du temps que prendra la constitution d’une coalition et de l’absence de décisions qui creusera mécaniquement le déficit sous le poids de la dette et du coût du vieillissement.
L’état des finances publiques de la Belgique est désastreux. Mais c’est difficile à entendre.
Il serait plus vrai d’affirmer que «le prochain gouvernement aura besoin d’une base solide pour commencer». Commencer à assurer la soutenabilité financière des pensions, à réformer la fiscalité. Commencer à faire des choix tant que la crédibilité financière de la Belgique n’est pas encore aussi ébranlée que ne le sont ses finances publiques. Mais c’est plus dur à dire. Et à entendre.
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