Anne-Sophie Bailly

Succession du pape François: les cardinaux résisteront-ils à la tentation?

Anne-Sophie Bailly Rédactrice en chef

La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si les cardinaux résisteront à la tentation de céder à l’instrumentalisation de la religion par des groupes ou des partis qui brandissent le respect des valeurs chrétiennes pour imposer leur vision ultraconservatrice de la société.

Le 13 mars 2013, lorsqu’une fumée blanche sort de la cheminée de la chapelle Sixtine à Rome, que l’Argentin Jorge Bergoglio, premier pape non européen depuis 1.000 ans et jésuite, est choisi à la tête de l’Eglise catholique, qu’il adopte le nom de François, l’espoir d’un vent nouveau souffle sur le Vatican. D’emblée, la direction est annoncée, son pontificat sera dédié au peuple, aux pauvres, aux laissés-pour-compte. On le verra d’ailleurs abondamment se rendre auprès des migrants de l’île de Lesbos et de Lampedusa ou laver les pieds des prisonniers. Rapidement, il devient évident aussi que ce descendant d’immigrés italiens entend remettre de l’ordre dans le fonctionnement interne de l’Eglise. Tant sur la représentativité de son gouvernement –fini la prépondérance du bloc européen dans les arcanes du pouvoir– que sur la remise en ordre de ses finances –une urgence, les agences de notation ont relégué le Vatican au rang d’Etat peu fiable et la banque du Vatican est soupçonnée de blanchiment. Sur ce dernier point, c’est le grand coup de balai. Un nouveau système de gestion est mis en place, une supervision installée, une discipline budgétaire imposée.

Le Vatican résistera-t-il aux pression de ceux qui brandissent le respect des valeurs chrétiennes pour imposer leur vision ultraconservatrice?

Cette rénovation, le pape François a réussi à la faire aboutir au prix de sévères batailles internes, qui marqueront l’ensemble de son règne et réduiront à néant ou presque certaines ambitions comme celles abritées par le synode extraordinaire sur la famille qui devait confronter la rigidité de la doctrine catholique aux valeurs de la société contemporaine sur une série de thèmes comme la famille –toujours considérée par l’Eglise sous le prisme unique de l’union d’une femme et d’un homme–, l’homosexualité, la contraception, l’avortement, la fin de vie… Les points délicats comme l’accueil des divorcés remariés ou des couples homosexuels dans l’Eglise ne franchiront pas les barrières levées par le camp le plus conservateur du Vatican. En ce qui concerne la place des femmes dans la société ou le recours à l’avortement, c’est François lui-même qui réaffirmera sa position, classique diront ses défenseurs, mais en réalité archaïque, sur la femme, son droit à disposer librement de son corps, son altérité envers l’homme. Personne en Belgique n’a oublié ses propos choquants tenus à l’UCLouvain affirmant qu’«une femme reste une femme», qu’elle est «accueil fécond, soin, dévouement vital» et qu’un «avortement est un homicide, les médecins qui font cela sont […] des tueurs à gages.»

Si le 13 mars 2013, le pontificat de François s’annonçait ambitieux, il aura été loin de tenir toutes ses promesses. Pour le droit des femmes, pour la diversité des genres, notamment, il fut désastreux. Dangereux même à l’heure où leurs droits, comme ceux des minorités sexuelles, ne cessent de reculer dans de nombreux pays.

La question qui se pose aujourd’hui est donc bien celle-là: les cardinaux réunis en conclave dans la chapelle Sixtine résisteront-ils à la tentation de céder à l’instrumentalisation de la religion par des groupes de pression ou des partis qui brandissent le respect des valeurs chrétiennes pour imposer leur vision ultraconservatrice de la société? Le Vatican, en proie à des luttes intestines et divisé par des courants de pensée divergents, y parviendra-t-il?

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