Anne-Sophie Bailly

Pourquoi un bouclage express de la réforme des pensions si ce n’est pour emporter la mise européenne

Anne-Sophie Bailly Rédactrice en chef

Alors qu’on attendait une réforme fiscale, on a eu une série de mesures relatives aux pensions. Sous le coup de pression de l’Europe.

Parce que, selon les sondages préélectoraux, le parti du Premier ministre est dans la cave. Parce qu’après l’accord avec Engie, il fallait continuer à gonfler le bilan de la Vivaldi. Parce que la ministre en charge du dossier, Karine Lalieux (PS), avait mené moult bilatérales pour le peaufiner. Parce que, de ce fait, le projet était mûr. Parce que les divergences de vue sur la réforme fiscale étaient trop importantes.

Ces raisons expliquent le coup d’accélérateur donné, le week-end dernier, pour boucler le dossier des pensions et renvoyer la réforme fiscale à «plus tard» (lisez: aux calendes grecques). Mais ce qui a surtout fait monter le tempo, c’est évidemment la perspective de voir la première tranche d’aide du plan de relance européen, conditionnée à une réforme majeure du système des pensions, passer sous le nez de la Belgique. Il y a quelques semaines, la Commission avait sévèrement tancé le gouvernement, rappelant que «certains pays en sont à leur quatrième demande de paiement, le retard de la Belgique est très grand» et que «si la Belgique ne soumet pas sa première demande de paiement en septembre, le montant d’aide associé risque d’être définitivement et totalement perdu». Ce qui aurait obligé l’Etat à se tourner vers les marchés pour financer les projets du plan de relance plutôt que de recevoir les 847 millions d’euros de cash prévus.

L’accord sur les pensions suffira probablement juste à emporter la mise européenne.

D’où ce compréhensible coup d’accélérateur et, c’est à noter, l’unanimité des partenaires de la Vivaldi autour des compromis trouvés. Logiquement, l’enthousiasme était moins grand du côté de l’opposition qui juge l’accord «trop flou» et des syndicats de la fonction publique qui l’estiment «inacceptable». Mais la volée de bois vert est surtout venue des économistes qui ont dénoncé, pêle-mêle, une «non-réforme», des «mesurettes», du «bidouillage», du «pensionwashing». Allant jusqu’à douter que l’envergure de la réforme suffise pour emporter le fiat européen.

Il semble néanmoins politiquement difficile que la Commission refuse cette tranche de soutien à la Belgique. D’autant que le texte comporte des avancées comme le lissage de certaines inégalités hommes-femmes, la limitation de la péréquation de la pension des fonctionnaires ou l’amélioration de la soutenabilité financière du régime, exigés par l’Europe.

Même si aucun de ces points ne va suffisamment loin.

Et c’est le véritable problème de cet accord signé en quelques heures: il consiste en un catalogue de mesures nécessaires mais pèche par une absence de véritable réforme. Réforme qui, comme la révision de la fiscalité, est reportée (lisez, toujours: aux calendes grecques). Il ne suffira en aucun cas à assurer la soutenabilité financière à long terme du vieillissement de la population, pas plus qu’il ne permettra de garder les gens au travail plus longtemps, ni d’augmenter le taux d’emploi, ni d’aménager les fins de carrière.

Il suffira probablement juste à emporter la mise européenne. Et ce n’est pas suffisant.

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