Anne-Sophie Bailly
Le droit à la démission, l’occasion de sortir de sa cage dorée
Le droit à la démission instaurée par le gouvernement De Wever, c’est une occasion de sortir de sa cage dorée professionnelle.
«Historique», c’est ainsi que Bart De Wever a qualifié l’accord de Pâques conclu par son gouvernement. De fait, le changement de cap semble évident. La limitation des allocations de chômage dans le temps, comme la pression exercée pour remettre au travail les malades de longue durée s’apparentent à une révolution dans le modèle socio-économique belge. L’accord pascal confirme aussi que le différentiel de 500 euros annoncé par la coalition Arizona entre «ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas» se fera davantage en sanctionnant les inactifs qu’en soutenant les actifs.
Le droit au rebond reflète certaines évolutions du monde du travail.
Néanmoins, une mesure touche directement ces derniers et mérite d’être soulignée tant elle s’apparente à une microrévolution dans le monde du travail. Il s’agit du droit au rebond. En effet, la coalition Arizona a validé le projet porté par certains partis francophones d’accorder le droit à des indemnités de chômage à un travailleur qui démissionnerait de son propre chef. Pourtant la partie n’était pas gagnée d’avance. En effet, ni la droite flamande, ni les représentants des entreprises, ni les syndicats ne s’étaient montrés particulièrement enthousiastes à cette idée. Les uns craignant les abus, les autres que le chômage ne perde son statut de filet de sécurité contre les accidents de la vie. L’initiative a donc été actée, mais dans un cadre strict puisque chaque travailleur aura droit, une fois dans sa carrière, à toucher des allocations de chômage pendant un an après avoir démissionné de son emploi, pour autant qu’il ait dix ans d’ancienneté.
Si ce droit au rebond mérite d’être pointé dans l’ensemble de l’accord pascal, c’est qu’il induit un changement de paradigme dans la culture du monde du travail et qu’il reflète certaines de ses évolutions. Comme l’idée que les carrières ne sont plus linéaires. Que les aspirations des travailleurs peuvent changer au cours de leur carrière. Que l’envie d’essayer autre chose doit pouvoir se réaliser. Que la fameuse cage dorée professionnelle dont les barreaux sont renforcés par certaines spécificités belges comme les augmentations barémiques, l’indexation automatique des salaires, est chaque année plus difficile à quitter. Que l’ennui, la lassitude, la perte de sens conduisent au mieux à un désengagement ou à une perte de motivation du travailleur. Au pire, au burnout.
Bien entendu, ce droit à la démission ne fera pas à lui seul grimper le taux d’emploi à 80%, mais il pourrait permettre de sortir par le haut de certaines situations, d’encourager la mobilité des travailleurs, de soutenir leur reconversion, singulièrement vers les métiers en pénurie. L’enfermement dans une cage dorée, si brillante soit-elle, n’est bon pour personne. Ni pour le travailleur, ni pour les entreprises, ni pour les finances publiques. Ce droit à la démission est un coup de pouce bienvenu à qui s’y sentirait à l’étroit.
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