Anne-Sophie Bailly

Le diagnostic du docteur Draghi est sévère: l’Europe suivra-t-elle sa prescription?

Anne-Sophie Bailly Rédactrice en chef

Mario Draghi a établi le diagnostic de la compétitivité de l’Europe. Il est sévère. Les remèdes proposés sont limpides. Reste à voir si le malade suivra la prescription.

C’est un rapport qui a secoué, mais qui a eu le mérite de mettre des mots sur des maux. En 400 pages, l’ancien président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, a dressé un état des lieux particulièrement sombre de la compétitivité de l’Europe: innovation en berne, décrochage majeur par rapport aux Etats-Unis, dépendance accrue envers la Chine, accès restreint aux matières premières…

Le diagnostic de Mario Draghi est sévère. Mais sa pertinence se vérifie régulièrement. Dernière preuve en date? Les déboires des constructeurs automobiles européens. Par manque d’innovation et de clairvoyance dans leur transition électrique, ils sont aujourd’hui dépassés par une concurrence chinoise qui, elle, gère l’ensemble de sa chaîne de production et les contraint à une onéreuse tentative de rattrapage. L’usine Audi Brussels en est l’une des victimes récentes.

La crainte est partagée. L’Europe doit se réveiller, faute de quoi, prévient Super Mario, «nous ne pourrons pas financer notre modèle social. Nous devrons revoir à la baisse certaines, voire toutes nos ambitions.» Et opérer des choix douloureux.

Demain dira si Ursula von der Leyen réussira à persuader les Etats de l’intérêt de développer une stratégie commune.

La prescription est rédigée. Restaurer cette compétitivité doit passer par une riposte unifiée, la fin de l’éparpillement des ressources et de la dispersion des efforts. Trois domaines sont à privilégier: l’innovation, la transition verte et la défense.

La facture est chiffrée: 800 milliards d’euros par an d’investissements, à financer par des capitaux tant privés que publics. Mais, dès que des termes comme «Union des marchés des capitaux» ou «emprunts communs» sont avancés, les positions se raidissent, les réticences s’expriment. L’Allemagne et les Pays-Bas, notamment, renâclent à l’idée de contribuer davantage que des pays plus fragiles économiquement. L’enthousiasme n’est guère plus grand à l’égard de certaines recommandations, dont la création de superagences étatiques, la mise en commun de ressources dans le secteur de la défense ou encore l’élaboration collective d’une stratégie en matière de recherche, qui obligeraient les Etats à abandonner certaines de leurs prérogatives.

L’information est passée. Demain dira si Ursula von der Leyen aura réussi à persuader les Etats de l’intérêt de développer une stratégie commune ou si les replis nationalistes se seront avérés plus forts. En gardant à l’esprit le pronostic du docteur Mario: l’Union européenne doit réellement craindre pour sa survie.

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