Anne-Sophie Bailly
La transformation de la RTBF et le service public 2.0
Avec sa transformation, la RTBF est désormais présente sur tous les fronts. Trop de fronts?
Le risque existe que «ses missions voire sa survie soient menacées». Les syndicats n’ont pas fait dans la dentelle, lors de la journée de grève dans la fonction publique, pour exprimer leurs craintes à l’égard du projet de la coalition MR-Les Engagés d’imposer à la RTBF une législature Weight Watchers. Limitation de la dotation et recentrage des missions sont de fait au cœur de la Déclaration de politique communautaire (DPC) concernant le média du boulevard Reyers. Autant la cure d’austérité imposée à la RTBF, particulièrement choyée par les gouvernements précédents, doit se comprendre dans un objectif global de redressement des finances de la Fédération Wallonie-Bruxelles, autant le recadrage de son contrat questionne, lui, les contours de sa mission de service public. Car si l’information et l’éducation permanente sont bien confirmées comme centrales dans le mandat du média, le divertissement ne l’est plus.
Ce débat autour du maintien ou du retrait du divertissement dans l’audiovisuel public mérite un petit zoom arrière. Depuis quelques années, la RTBF a entamé une mutation profonde pour devenir un acteur médiatique à 360°, une évolution qui ne s’est d’ailleurs pas faite sans heurts, ni en interne, avec un conflit social rude, ni en externe, avec des éditeurs de presse qui voient dans la production d’information en ligne de la concurrence déloyale. Du côté de la RTBF, la justification de cette mue digitale était tant de répondre aux nouveaux modes de consommation que d’atteindre un triple objectif: générer de l’audience, emmagasiner de la publicité et récolter des datas.
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Le résultat? Un média de service public présent sur tous les fronts: d’émissions comme The Voice à l’info en temps réel en passant par le sport, le gaming ou la production de séries. C’est sur ce constat qu’est né le projet de la coalition régionale et communautaire de revoir le statut de la RTBF pour «implémenter un nouveau paradigme pour le service public de l’audiovisuel […] et rétablir un cadre de saine concurrence». Autrement dit: laisser une porte plus largement ouverte à des acteurs privés –lisez RTL– pour enchérir sur les droits de diffusion des grandes compétitions internationales.
Souhaite-t-on que demain le spectateur belge doive prendre un abonnement Netflix pour suivre sa compétition sportive favorite?
Gageons que l’intention est louable. Qu’elle vise bien à rétablir davantage de concurrence sur le marché (pas à limiter les moyens d’action d’un média régulièrement pointé comme étant politiquement trop à gauche). Pour autant, la réflexion aurait le mérite de dépasser le spectre des deux principaux acteurs du marché francophone belge. Et de se poser la question de savoir si on souhaite que demain le spectateur belge doive prendre un abonnement Netflix ou Disney+ pour suivre sa compétition sportive favorite ou se divertir devant une série étrangère. Pourquoi pas, si on estime que l’argent public serait mieux utilisé ailleurs. Mais alors, il faut aussi accepter les risques de chute de l’audience, de réduction de l’ancrage local et de redirection des revenus publicitaires et des données collectées en direction des Gafam. Car le nouveau paradigme pourrait bien être celui-là.
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