Anne-Sophie Bailly
La nouvelle série belge: l’épargnant lésé et le banquier cupide
Les partis de la majorité veulent mettre la pression sur les banques pour qu’elles améliorent le rendement de l’épargne. Et si on portait le débat un peu plus loin que la manichéenne séquence: l’épargnant lésé versus le banquier cupide?
Une nouvelle série belge est actuellement en cours de diffusion: faiblesse du rendement des livrets d’épargne et remontée des taux des banques centrales. Et elle fait pas mal parler d’elle. Pour ceux qui auraient manqué les premiers épisodes, voici un pitch de rattrapage.
Côté jardin: des épargnants se débattent avec un coût de l’emprunt en progression constante et se désolent de la pauvreté du taux offert sur leur livret. Avec, dans la foulée, les répliques des partis politiques. Le ministre des Finances, Vincent Van Peteghem (CD&V), adresse une mise en demeure au monde financier dans laquelle il rappelle le ressentiment que cet écart de taux nourrit au sein de la population. Vooruit veut obliger les banques à augmenter le taux d’épargne. La secrétaire d’Etat au Budget et à la Protection des consommateurs, Alexia Bertrand (Open VLD), brandit l’arme ultime d’une hausse du taux du rendement obligatoire pour les livrets d’épargne. Quant aux écologistes, ils plaident pour l’instauration d’une limitation de l’écart entre le taux de l’épargne et celui de dépôt de la BCE.
Et si le rendement du livret était lié à un financement vert?
Côté cour: des banques qui objectent que lorsque les taux de leurs dépôts auprès de la BCE étaient nuls, l’épargnant belge n’a pas vu le rendement de son livret (hors inflation) passer en territoire négatif. Qu’on ne peut pas comparer les taux à long terme des crédits immobiliers et ceux à court terme des livrets. Que c’est toute la stabilité d’un secteur qu’on risque de mettre en péril. Que l’offre de taux résulte d’une analyse des risques et d’une stratégie commerciale propre à chaque enseigne.
L’intrigue est tellement dense qu’il semble déjà évident qu’une suite devra être actée lors de la prochaine législature. Et pourrait se prêter à la scénarisation d’au moins deux spin-off.
Titre de travail de la première? Déficit de concurrence et barrières à l’entrée. Hormis quelques propositions relativement confidentielles, les taux affichés par les banques se situent tous dans un mouchoir de poche, reflet d’une concurrence atone. Cet opus technico-financier dévoilerait le peu d’intérêt que les établissements bancaires auraient à se lancer dans une guerre commerciale et plongerait dans les difficultés majeures auxquelles serait confronté un nouvel entrant qui tenterait d’attaquer le marché belge.
Quant à la seconde, elle pourrait s’intituler Le Voyage immobile de l’épargnant, avec un focus particulier sur la difficulté de mobiliser l’épargne des Belges et de la faire sortir de son confortable, sécurisant et peu rémunérateur livret. Avec un flash-back sur toutes les initiatives passées et non couronnées de succès. Et un zoom sur celles qui fleurissent ailleurs. Comme ce projet de livret vert français dans lequel l’épargne placée serait davantage rémunérée et les fonds utilisés pour financer uniquement des projets bas carbone. Ou même une utopie qui verrait la garantie de l’Etat se déplacer vers des comptes d’épargne dont les fonds seraient investis dans la lutte contre le réchauffement climatique.
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Celle-là pourrait vraiment être une belle histoire. Plus large. Plus engagée. Plus profonde. Plus intéressante que la séquence manichéenne qu’on diffuse aujourd’hui: l’épargnant lésé et le banquier cupide.
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