Anne-Sophie Bailly

La fuite des supernotas de Bart de Wever, une arme de négociation

Anne-Sophie Bailly Rédactrice en chef

La multiplication des fuites dans la presse des supernotas de Bart De Wever ne doit pas être prise pour autre chose que ce qu’elle est: une arme de négociation. Pas (encore?) un signe de divergence majeur.

La fin des élections communales a concordé avec la reprise au pas de charge des négociations pour la formation du gouvernement fédéral. Et avec le retour tout aussi concomitant des fuites dans la presse. Retraite anticipée à 60 ans sous conditions, exonération partielle de la taxation des plus-values, suppression du seuil d’imposition le plus élevé sur les revenus professionnels, régionalisation de l’Institut royal météorologique (IRM) et de la Bibliothèque royale, taxation des multipropriétaires, révision des taux de TVA, fin des emplois statutaires dans la fonction publique, refonte de la facture d’énergie ou fusion des zones de police, le contenu des «supernotas» proposées par le formateur Bart De Wever (N-VA) aboutit presque aussi régulièrement dans les boîtes mail des rédactions que sur la table des négociateurs.

Au point que la fréquence et la régularité de ces fuites ne peuvent manquer d’interpeler. Pourquoi ces indiscrétions sont-elles organisées? Dans quel intérêt?

La réponse au pourquoi tient dans la pression du calendrier. Les échéances de mi-septembre et mi-octobre pour la remise à la Commission européenne de la trajectoire budgétaire, qui n’ont pu être respectées. Le projet de budget 2024, qui ne répond pas aux recommandations européennes. L’agence de notation Moody’s qui dégrade la perspective de la note de la Belgique pour manque de réformes d’envergure. Le budget des soins de santé, qui n’a pu être validé. L’urgence de doter la Belgique d’un gouvernement de plein exercice se fait chaque jour plus pressante.

Or, plus la pression extérieure se fera intense, plus les négociateurs se verront contraints d’aboutir. D’autant que, comme les fuites l’indiquent, «tout ou presque est déjà sur la table».

Les fuites des supernotas ne sont pas (encore?) un signe de divergence majeur.

Quant à la question de l’objectif poursuivi, elle doit s’appréhender sous l’angle de la recherche d’un compromis. Les élections communales ont globalement renforcé la légitimité des partenaires autour de la table, avec une affirmation un peu plus marquée dans le chef des centristes, certes, mais chaque parti tient néanmoins à imposer sa marque sur la feuille de route qui servira de référence pour les cinq années à venir. La fuite de la note sur le volet communautaire? Une manière pour les francophones et les néerlandophones de se positionner sur cette thématique. Celle concernant la fusion des zones de police? Un axe de démarcation nord-sud. Quant à la diffusion de la «supernota» fiscalité, elle teste de son côté les positions gauche-droite. A charge pour les négociateurs de lâcher un peu de lest sur un volet pour faire valider leur point de vue sur un autre. Ce qui est d’autant plus facile à arbitrer quand «tout ou presque est déjà sur la table».

Au stade actuel des choses, la multiplication des fuites ne doit donc pas être prise pour autre chose qu’elle n’est: une arme de négociation. Pas (encore?) un signe de divergence majeur.

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