Anne-Sophie Bailly

Fin de l’obligation de vote et risque d’orientation des messages

Anne-Sophie Bailly Rédactrice en chef

Avec la fin de l’obligation de vote, le risque existe les candidats qui se présentent au suffrage des électeurs n’orientent leurs messages que vers le public qui continuera à prendre le chemin des urnes.

Le 13 octobre, la Belgique ne vivra pas le même dimanche d’un bout à l’autre du pays puisque, pour la première fois depuis 1893, les électeurs flamands ne seront plus concernés par l’obligation de vote. Avec quel impact sur la présence dans l’isoloir? Une étude menée par Le Vif l’année dernière indiquait que si quatre Belges sur dix affirmaient ne plus vouloir du vote obligatoire, la moitié d’entre eux iraient malgré tout glisser leur bulletin dans l’urne s’ils n’y étaient plus contraints. Un sondage récent va dans le même sens; quelque 73% des Flamands se disent aujourd’hui sûrs d’aller voter contre 84% des Bruxellois et 90% des Wallons. Un chiffre à vérifier au lendemain du scrutin. Tout comme il sera intéressant d’analyser les scores des partis pour voir qui des électeurs les plus fidèles, les plus convaincus, les plus en colère ou les plus protestataires se seront rendus aux urnes.

Tout cela, ce sera pour l’après-13 octobre. En attendant, c’est la philosophie sous-tendant cette décision qui suscite le débat entre deux visions de la démocratie. Du côté des partisans de l’abrogation de l’obligation, on argumente que la contrainte est abandonnée au profit d’un choix démocratique conscient posé par le citoyen. Qu’il appartient désormais au monde politique de susciter l’intérêt pour le scrutin, de convaincre de l’importance d’exprimer sa voix. Que de toute façon, l’obligation –même couplée à la menace de sanctions– n’a jamais convaincu personne de se rendre dans l’isoloir. A l’autre bout du spectre, on met en garde contre le risque de sous-représenter une partie de la population, et plus particulièrement les jeunes et les moins favorisés socioéconomiquement. Et que cette brèche dans l’obligation de vote en rejoint d’autres.

Il est, de fait, impossible d’exclure que des biais de communication ne prennent progressivement de l’ampleur au fur et à mesure des campagnes. Que désireux de convaincre le seul électorat utile à la réalisation de leur action, les candidats n’orientent leurs messages que vers le public qui continuera à prendre le chemin des urnes. Accentuant par là le gap entre le monde politique et ceux qui se sentent abandonnés par lui, mettant encore davantage en sourdine la voix d’une frange de la population.

Ce déficit de représentativité ne se reflétera probablement encore que peu dans le résultat du scrutin en Flandre, notamment parce que l’échelon local reste le niveau de pouvoir par lequel le citoyen se sent le plus concerné et duquel il est le plus proche. Mais dans ce débat sur l’obligation de vote et, en corollaire, la représentativité d’un scrutin, un chiffre ne doit jamais être perdu de vue: 51. Soit le pourcentage de citoyens qui estiment que leur vote ne compte pas.

Impossible d’exclure que des biais de communication accentuent le gap entre le monde politique et ceux qui se sentent abandonné par lui.

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