Gérald Papy
Edito | Combien de temps encore résistera l’Union européenne face à Poutine ?
Les derniers développements de la guerre en Ukraine laissent penser que le conflit est entré dans une phase diplomatique. Mais il n’en est rien, estime Gérald Papy, rédacteur en chef adjoint du Vif.
Négociations à Istanbul sur le blé, tractations à Bruxelles sur le gaz: les derniers développements de l’actualité sur l’Ukraine pourraient laisser penser que la guerre est entrée dans une séquence diplomatique et que s’éloigne le spectre des vies perdues et des souffrances endurées. Il n’en est rien. Si la confrontation, dont le nœud actuel se concentre dans la province de Donetsk, est partiellement mise en mode pause, les annonces, souvent matamoresques, d’offensive sur la ville de Kherson par les Ukrainiens et d’extension des opérations à d’autres fronts par les Russes augurent une reprise d’affrontements meurtriers dès que les armées auront reconstitué leurs forces.
La question reste donc entière: faut-il faire confiance à Vladimir Poutine?
Mais un conflit ne se gagne pas que dans sa dimension militaire. Il a emprunté ces derniers jours les voies sinueuses du pouvoir d’influence. Pour ne pas se mettre à dos des pays africains et asiatiques qui, sous couvert d’une neutralité affichée, ont privilégié la qualité de leurs relations avec la Russie, envers laquelle ils sont redevables en raison de liens historiques qu’ils n’ont pas eu l’occasion de nouer avec l’Ukraine, Moscou a consenti à un accord avec l’ONU et la Turquie pour l’exportation du blé ukrainien, vital pour de nombreuses populations du sud. Son application est toutefois suspendue à de nombreux aléas, au premier rang desquels figure le criant manque de confiance entre les «partenaires». Le bombardement russe du port d’Odessa, d’où devrait partir une grande quantité des céréales libérées, alors que l’encre des signatures au bas de l’accord était à peine sèche, a apporté une nouvelle preuve de cette défiance. La question reste donc entière: faut-il faire confiance à Vladimir Poutine?
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Elle est encore plus pertinente à propos du bras de fer engagé entre la Russie et l’Union européenne sur l’approvisionnement en gaz. Après avoir laissé planer le doute sur la reprise des livraisons au terme des travaux de maintenance du gazoduc Nord Stream 1, le 20 juillet, les Russes ont rouvert les robinets à 40% de la capacité de l’infrastructure avant de restreindre les livraisons à 20% de celle-ci. Voilà donc l’Union européenne un peu plus exposée encore à l’arbitraire de Vladimir Poutine.
La Commission européenne a ainsi été bien avisée de proposer un plan de réduction de la consommation de gaz des Etats membres en prévision d’un hiver incertain. Mais les débats sur son applicabilité ont aussi montré que l’Union se rapproche de la ligne rouge au-delà de laquelle un consensus deviendra impossible. La disparité de la dépendance au gaz russe des Vingt-Sept et le souvenir, encore vif dans les capitales du sud de l’Union, de l’inflexibilité d’Etats du nord lors de la crise de la dette compliquent le maintien de la cohésion alors que l’Allemagne, grande donneuse de leçons de rigueur hier, est aujourd’hui en attente de gestes de solidarité de ses partenaires.
L’ accord scellé entre ministres de l’Energie, le 26 juillet, sur l’objectif de réduction de 15% de la demande en gaz, bien qu’en recul par rapport à la proposition de la Commission sur le recours à la contrainte, sauve l’honneur de l’Union européenne. Après cinq mois de guerre, son bilan dans la gestion de cette crise est très honorable. Elle continue à résister unie aux manœuvres de Vladimir Poutine. Mais pour combien de temps encore?
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