Anne-Sophie Bailly
Derrière la réforme du décret paysage, c’est le financement de l’enseignement supérieur qui pose question
Instaurer ou pas un moratoire sur le décret paysage. Le débat fait rage au sein du gouvernement de la fédération Wallonie-Bruxelles. Il faut d’abord lever les incertitudes pour les étudiants. Après, il faudra parler financement.
C’est lors du Grand débat des présidents de parti organisé par Le Vif, Trends-Tendances et Canal Z que Jean-Marc Nollet a lâché sa bombe. «Cela fait longtemps, comme écologistes, que nous sommes préoccupés par cette réforme Glatigny. Si on ne change rien, on court à la catastrophe pour des milliers d’étudiants. C’est pourquoi je demande de retirer le décret.» Le décret évoqué, c’est la réforme du décret paysage, pourtant votée en septembre 2021 par le PS, le MR, Ecolo, et qui avait pour but de réduire la durée des études et endiguer la baisse du taux de réussite en instaurant un délai maximal aux étudiants pour boucler leur cursus.
Il n’aura fallu que quelques heures au PS pour embrayer et demander lui aussi un moratoire sur la réforme dudit décret. Et quelques heures encore pour que le MR persiste et signe sur son bien-fondé.
Si l’on met de côté les soupçons de tentatives de séduction des primo-votants, en faisant écho aux revendications de cet électorat jeune, qui planent sur les sorties socialistes et écologistes, ce sont évidemment deux conceptions de l’enseignement qui sous-tendent le débat actuel. A gauche, un enseignement considéré comme un ascenseur social. A droite, une obligation de performance, le coût de l’échec ne pouvant reposer sur la collectivité. Classique. La réalité est naturellement autrement plus nuancée. A l’égard de la société dans laquelle ces étudiants évoluent. Une société qui a vécu en quelques années des crises multiples qui ont, toutes les enquêtes le prouvent, largement entamé la santé mentale des plus jeunes et grevé leur portefeuille. C’est d’ailleurs cet effet pervers de la réforme du décret paysage qui est dénoncé par la FEF (Fédération des étudiants francophones) pour laquelle la législation ne tient pas suffisamment compte de la réalité estudiantine, celle de ces jeunes qui cumulent études et jobs ou qui, éloignés des amphis pour des problèmes de santé physique ou mentale, n’auraient pas validé suffisamment de crédits pour rester finançables.
Car c’est évidemment du financement de l’enseignement supérieur dont il est question derrière les remous qui secouent la majorité de la fédération Wallonie-Bruxelles. Le nombre de jeunes qui entrent à l’université ou dans l’enseignement supérieur ne cesse de croître. Les moyens ne suivent pas. Revoir les règles de financement ou sélectionner davantage, c’est la question qu’il faudra un jour oser affronter. Mais qui ne le sera pas à quelques semaines des élections. L’urgence est donc ailleurs: sortir les étudiants de l’incertitude alors que le blocus est imminent.
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«L’urgence? Sortir les étudiants de l’incertitude alors que le blocus est imminent.»
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