Anne-Sophie Bailly

Une alerte à la marée noire se dessine, avec la décision de l’OPEP d’ouvrir grand les vannes du pétrole

Anne-Sophie Bailly Rédactrice en chef

Avec la décision de l’OPEP d’ouvrir grand les vannes du pétrole, c’est une alerte à la marée noire se dessine. Parmi les motivations de cette «bombe» lâchée sur le marché: une manœuvre de séduction de Riyad envers Donald Trump.

Autant dire que dans un marché déjà fortement chahuté par des perspectives économiques en berne, la décision de pays producteurs de pétrole réunis au sein de l’Opep+ d’augmenter drastiquement la mise sur le marché de l’or noir –on parle quand même de 411.000 barils supplémentaires par jour contre 137.000 barils initialement prévus– a surpris. Les observateurs qualifient l’annonce de «bombe» lâchée sur le marché pétrolier. De fait, les cours ont instantanément piqué du nez. Le brent est passé sous les 60 dollars le baril, un niveau qu’il n’avait plus atteint depuis quatre ans. Certains prévisionnistes le voient même descendre sous les 50 dollars.

Ce recul des cours fait le bonheur des automobilistes, qui verront dans les jours à venir les prix à la pompe s’orienter clairement à la baisse, tout comme celui des entreprises pour lesquelles les tarifs de l’énergie suivent la même trajectoire baissière.

Mais à côté de ces bonus immédiats, c’est bien une alerte à la marée noire qui se dessine.

Tout d’abord, les motivations derrière cette annonce questionnent d’un point de vue géopolitique. L’Arabie saoudite semble vouloir rappeler aux Etats récalcitrants, notamment le Kazakhstan régulièrement pointé du doigt pour non-respect des quotas de production, qu’elle peut toujours donner le «la» au sein de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole. Mais hormis ces dissensions internes, cette ouverture des vannes s’apparente à une manœuvre de séduction de Riyad envers Donald Trump. La diminution des prix énergétiques faisait partie des promesses de campagne de l’actuel président des Etats-Unis. Mais son credo, «Drill baby, drill», qui passe par la suppression d’un certain nombre de règles environnementales pour faciliter l’activité de l’industrie pétrolière, a du mal à se muer en réalité. «Plutôt que le forage, essayez le remplissage», propose donc Riyad. Avec un double effet kiss cool de nature à ravir l’électorat de Trump: une baisse du prix du gallon et un ralentissement de l’inflation. Même tentative de charme dans l’esprit de Moscou, qui en inondant le marché d’or noir, signifie au président américain qu’importe le deal entre Kiev et Washington sur les ressources ukrainiennes, la Russie de Poutine pourrait encore avoir des choses à offrir à l’Amérique de Trump.

Ensuite, qui dit pétrole bon marché dit baisse de l’attention portée aux autres sources d’énergie qui deviennent de facto moins urgentes et moins rentables, et usage moins rationnel des hydrocarbures. En ouvrant les vannes du brent, ce sont celles de la sobriété énergétique et de la lutte contre le réchauffement climatique qu’on ferme.

En ouvrant les vannes du pétrole, ce sont celles de la sobriété énergétique qu’on ferme.

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