Anne-Sophie Bailly
Comment réduire l’écart entre le citoyen et les institutions
Le sentiment de défiance à l’égard des institutions exprimé par une grande partie de la population est renforcé par le creusement des inégalités. Mais certains gestes permettent de combler, au moins un peu, ce gouffre.
Les résultats de l’enquête «Noir Jaune Blues», menée par la Fondation Ceci n’est pas une crise, l’ont confirmé: la défiance des citoyens à l’égard des institutions n’a jamais été aussi forte. Elle l’est même au point que la majorité des répondants se prononcent en faveur d’un régime autoritaire dans lequel un leader unique aurait le champ libre pour exécuter son action. Sans institutions, sans parlementaires, sans journalistes. Sans garde-fous.
Un rejet en bloc et des causes diverses, mais qui ne peuvent que rarement être dissociées du renforcement des inégalités. Le récent rapport d’Oxfam, publié en marge du sommet économique de Davos, pointait à cet égard que «depuis 2020, les 1% les plus riches ont capté près de deux fois plus de richesses que le reste de l’humanité», invitant dans la foulée à une taxation renforcée des ultrariches pour atténuer ces inégalités. Même si les calculs de l’organisation et la pertinence des solutions qu’elle propose sont mis en question par les économistes qui pointent une comparaison biaisée entre revenus virtuels et réels, le ressenti est, lui, bien réel. Comme l’est l’accroissement de la pauvreté induite par les crises sanitaire et du pouvoir d’achat. Ce creusement des inégalités a exacerbé le clivage «eux contre nous», le repli sur soi, tant le sentiment d’abandon ou d’injustice rend particulièrement difficile la construction d’un récit commun d’avenir, positif, dans lequel chacun pourrait se projeter.
Le départ de la Première ministre néo-zélandaise rappelle salutairement que l’exercice du pouvoir politique ne devrait pas nécessairement être mené comme une carrière.
Dans ce contexte, pourtant, certains gestes font office de jalons. Comme celui posé par la Première ministre néo-zélandaise, Jacinda Ardern. Qui, faute de disposer de «suffisamment de carburant dans son réservoir», a décidé de démissionner. Un geste salutaire pour la démocratie, de nature à recréer du lien entre le citoyen et le pouvoir politique. Car ce départ anticipé rappelle clairement que l’exercice du pouvoir politique ne devrait pas nécessairement être mené comme une carrière, mais qu’il pourrait, ou devrait, se concevoir de manière ponctuelle, le temps de mettre ses compétences au service du bien commun et éloigner ainsi l’image d’accros au pouvoir et déconnectés des préoccupations quotidiennes véhiculée par la fonction.
Dans cette démission, il y a aussi l’intelligence de savoir quand s’arrêter. De dire: «Je suis un être humain, fait d’émotions, de forces et de faiblesses, de lucidité par rapport à mes capacités, de priorités qui changent et de centres d’intérêt qui évoluent.»
Il y a donc dans ce geste du vrai, du réel. Et l’idée que dans ce «eux» il peut aussi y avoir du «nous».
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