Anne-Sophie Bailly
Après les coups de semonce sur sa Défense, l’Europe sait qu’elle devra désormais compter sur elle-même
Après les coups de semonce adressés sur sa Défense et sur sa démocratie, l’Europe sait qu’elle devra désormais plus compter que sur elle-même. Le réveil est brutal.
C’est un triple coup de semonce qui a été adressé en quelques jours à peine aux Européens: les attaques du vice-président américain J.D. Vance contre la démocratie européenne; l’annonce par Donald Trump de l’ouverture de négociations avec Vladimir Poutine sur la guerre en Ukraine sans y inclure ni Kiev ni Bruxelles; l’appel du secrétaire américain Pete Hegseth aux membres européens de l’Otan à dépenser davantage pour leur défense de l’Europe.
Un triple coup de semonce donc, et un réveil brutal pour un Vieux Continent habitué à surfer sur les dividendes de la paix. Depuis, les appels au sursaut fusent pour (re)penser le futur de la Défense européenne. Et des idées sont avancées en matière d’organisation comme de financement. Création d’un cadre structurant, renforcement des collaborations, mutualisation des moyens, installation d’un QG européen… Relèvement du budget de défense des Etats membres à 3% du PIB, assouplissement des règles budgétaires de l’Union en excluant les dépenses de défense du calcul des déficits publics, définition des conditions dans lesquelles ces assouplissements pourraient être consentis, établissement d’un instrument financier commun… Des pistes, donc des propositions, mais aucune position commune au stade actuel. La concrétisation du sursaut souhaité se heurtant à des freins multiples au rang desquels le ralentissement de la croissance de la zone euro, des niveaux d’endettement inquiétants et des capacités de production de matériel limitées qui entravent la rapidité d’action de l’Europe.
Le cas belge illustre les difficultés de l’Europe à assurer sa sécurité collective en respectant des impératifs budgétaires.
A cet égard, la limitation du champ d’action belge est parlante. La Belgique prévoit de résorber son retard en matière de dépenses pour la Défense, actuellement de 1,3% du PIB, en les portant à 2% en 2029, pourcentage que les membres de l’Otan devaient atteindre pour 2024. Pour y arriver, le gouvernement De Wever Ier envisage la création d’un nouveau fonds alimenté par la vente des participations actuellement détenues par l’Etat et le versement de dividendes. Bref, essentiellement des opérations one shot. Mais qu’en sera-t-il après 2029? Quels moyens d’action la Belgique pourra-t-elle mobiliser si les exigences sont portées à 3% du PIB, tout en menant également de front des réformes nationales indispensables et en répondant à la grogne sociale?
Le cas belge n’est qu’un exemple, mais il illustre les difficultés de l’Europe à assurer sa sécurité collective, à se préparer à un éventuel désinvestissement militaire américain du sol européen en respectant les impératifs budgétaires d’Etats, souverains dans leurs prérogatives en matière de Défense. Le tout en l’absence d’un cap politique commun. Pourtant, l’Europe devra désormais compter sur elle-même. Car oui, les coups de semonce sont clairs.
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