Gérald Papy

Edito | Extrême droite en Italie: les politiques doivent prévenir la colère qui gronde

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Après la Suède, l’Italie: l’extrême droite se porte apparemment bien, en Europe. Une extrême droite dont il ne faut pas nier qu’elle s’est distanciée des marqueurs les plus détestables de l’extrémisme. Ce qui n’empêche pas de s’inquiéter. Les représentants des partis traditionnels ne peuvent se contenter de crier à la « peste brune ».

Un parti fondé, entre autres, par des militants néonazis, les Démocrates de Suède, arrivé deuxième des élections parlementaires suédoises du 11 septembre et candidat à une participation gouvernementale ; une formation héritière du mouvement néofasciste d’après-Seconde Guerre mondiale victorieuse du scrutin législatif du 25 septembre et prétendante à la direction du gouvernement de l’Italie, troisième puissance économique de l’Union européenne : voilà deux événements de nature à susciter légitimement la crainte d’un retour de la « peste brune » trois quarts de siècle après la chute du nazisme et du fascisme.

Qui plus est, alors qu’un conflit meurtrier et dévastateur ensanglante à nouveau le continent. Mieux vaut un excès qu’un défaut de vigilance.

Il serait pourtant malhonnête de ne pas reconnaître que la plupart des partis de l’extrême droite ou de la droite radicale en Europe ont suivi depuis quelques années une évolution vers la droite conservatrice et démocrate en éliminant de leur programme les marqueurs les plus détestables de l’ extrémisme. On peut évidemment interroger la sincérité de ces conversions, se demander si leur mobile n’est pas purement
électoraliste et exprimer la crainte que l’accession au pouvoir par la démocratie soit le meilleur moyen pour eux de la vider de son contenu.

La classe politique traditionnelle ne doit pas se contenter de crier à « la peste brune » face à Fratelli d’Italia.

Ainsi, voir Fratelli d’Italia investir le palais Chigi en leader d’une coalition qu’il domine de la tête et des épaules mais aux dépens d’alliés d’autant plus incontrôlables qu’ils sont affaiblis, la Ligue et Forza Italia, n’est pas le meilleur gage de stabilité, de félicité et de durabilité dans un pays qui a connu 67 exécutifs depuis 1945. Mais l’Europe de 2022 n’est pas celle des années 1930. Et l’Union européenne a bien des vertus, souvent ignorées.

A l’inverse de ses partenaires Salvini et Berlusconi plus europhobes ou plus poutinophiles, Georgia Meloni, appelée à diriger le nouveau gouvernement, a bien compris, elle, l’intérêt d’éviter tout aventurisme économique ou antieuropéen pour assurer à l’Italie le déblocage des 140 derniers milliards d’euros de subventions et prêts à taux réduit que lui octroie le plan de relance post-Covid et celui de ne pas briser la solidarité européenne à un moment aussi dommageable au plan énergétique que la guerre en Ukraine. Le revers de la réduction de sa marge de manoeuvre dans ces domaines est qu’elle aura à coeur de marquer son empreinte de cheffe de gouvernement sur les questions intérieures au détriment des femmes, à propos de l’avortement notamment, et des étrangers, avec l’ambition illusoire d’instaurer un blocus naval antimigrants en Méditerranée.

L’impact des crises successives, l’inquiétude face à la mondialisation, à la révolution numérique et au changement climatique, l’effet très concret de la guerre en Ukraine sur le coût de la vie sont autant de
facteurs qui compliquent considérablement la gestion des affaires publiques. A cette aune, se tourner vers des partis extrémistes qui proposent « monts et merveilles » relève de la solution de facilité. Il est pourtant révélateur d’observer que la progression des forces politiques d’extrême droite et de droite radicale est concomitante au renforcement du volet social de leur programme.

La classe politique traditionnelle et singulièrement la gauche, représentante jadis de l’ouvrier, ne doivent
donc pas se contenter de crier à « la peste brune » face à Fratelli d’Italia mais agir pour reconquérir le terrain qu’elles lui ont abandonné.

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