Anne-Sophie Bailly
Conflits sociaux chez Ryanair et Delhaize: le jeu des différences
Certains similitudes se dégagent entre les conflits sociaux chez Delhaize et chez Ryanair. Mais dans l’une des deux contestations, le politique peut poser un choix…
Deux conflits agitent l’été social belge. L’un concerne le plan de franchisation des supermarchés du distributeur Delhaize, l’autre les conditions de travail des pilotes de la compagnie aérienne Ryanair.
Les secteurs diffèrent comme les origines des tensions. Mais certaines similitudes se dégagent néanmoins de ces deux contestations. D’abord, les moyens pour tenter de remporter la partie: des mouvements de grève qui bloquent des supermarchés ou des entrepôts et clouent des avions au sol aux tentatives de rallier l’opinion publique avec des appels au boycott ou l’envoi de pétitions. Ensuite, les latitudes prises avec la législation sociale belge et contre lesquelles la classe politique se trouve bien démunie. Ce constat évident au nom du principe d’autonomie de gestion des entreprises est d’ailleurs très régulièrement posé dès qu’une société dont le siège social est installé hors de nos frontières prend une décision stratégique socialement douloureuse. C’est la règle du jeu, contre laquelle le gouvernement ne peut rien, si ce n’est accompagner ou limiter la casse sociale.
Le conflit chez Ryanair repose la question des subventions accordées au développement des aéroports régionaux.
Toutefois, dans l’un des deux conflits, la question de l’intervention politique prend une dimension supplémentaire. La base de Charleroi serait l’une des plus rentables de la compagnie irlandaise. Le chiffre de 160 millions d’euros de bénéfice – qui irait directement à Dublin sans vraiment profiter à la Wallonie – a récemment été avancé par La Libre au titre de l’exercice 2022. Ce qui repose la question des subventions accordées au développement des aéroports régionaux. Avec, d’un côté de la balance, l’importance en matière de développement économique pour la Wallonie et, de l’autre, l’intérêt dont bénéficie un acteur aux pratiques sociales détestables et adepte du chantage à l’emploi.
Le hasard des calendriers a jeté une pierre supplémentaire dans le jardin du soutien à l’aérien sous la forme d’une étude réalisée par Greenpeace, qui pointait la différence majeure entre le prix des billets d’avion et celui des tickets de train. Selon cette dernière, le transport ferroviaire coûterait 2,6 fois plus cher que l’aérien au voyageur, alors que le bilan carbone, lui, pointe indubitablement en faveur du rail. De quoi relancer le débat autour de la taxation du kérosène, toujours défiscalisé, comme des billets d’avion. De l’opportunité de doter l’Europe d’une infrastructure ferroviaire ad hoc, d’installer un opérateur européen et d’établir des collaborations transnationales.
Et du choix du moyen de transport que l’on soutient dans le contexte de dérèglement climatique actuel. Comme de la destination des deniers publics et leur utilisation par des acteurs peu regardants des règles du jeu.
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