Carte blanche
Comment sauver la consultation citoyenne lancée par le gouvernement fédéral ? (carte blanche)
L’Etat belge a demandé aux citoyens leurs avis quant à l’avenir du pays. « Evitons que cette consultation ne devienne des funérailles nationales », prévient Ben Eersels, coordinateur de G1000.
Après que les présidents de parti ont négocié entre eux les six premières réformes de l’État, le gouvernement fédéral demande maintenant aux citoyens belges comment la structure de notre pays et notre démocratie devraient fonctionner. L’initiative est louable, mais ce n’est pas avec une boîte à idées du type de la plateforme « Un pays pour demain » qu’on va y arriver. Pourtant, tout n’est pas perdu. Si le gouvernement et le parlement clarifient rapidement le suivi qu’ils donneront à cette plateforme, ils peuvent encore impliquer les citoyens de manière significative dans un débat sur l’avenir du pays.
Le gouvernement n’a pas conquis beaucoup d’âmes avec ce questionnaire. « Un calvaire », selon le recteur de l’UGent, Rik Van de Walle. De « l’argent gaspillé », pour le député de la N-VA Sander Loones. La plateforme est en effet complexe et demande aux citoyens qui la remplissent de traiter un grand nombre d’informations. Cela a tout d’un chemin de croix.
Certes la plate-forme peut être améliorée ici et là, mais en réalité le problème est beaucoup plus structurel. Si le gouvernement veut réellement impliquer les citoyens dans la prochaine réforme de l’État et de la démocratie, une plateforme en ligne n’est tout simplement pas le bon outil.
Si vous voulez rénover votre maison, vous n’allez pas vous contenter d’un formulaire sur le site web de l’architecte… De telles enquêtes peuvent sans doute générer un certain nombre d’idées, mais la qualité des contributions laisse toujours à désirer. De nombreux experts ont mis en garde contre cette pratique à plusieurs reprises. Avec un thème aussi complexe que la septième réforme de l’État, seules les personnes qui maitrisent le sujet ou qui y ont un intérêt particulier prendront la peine de glisser leurs suggestions dans la boîte.
Promesses et idées
Le pire, c’est que jusqu’ici, le gouvernement ne s’est pas formellement engagé à faire quelque chose de la contribution des citoyens. Sa seule promesse est que les idées récoltées pourront servir à alimenter le débat. Exactement comme une boîte à idées au fond de la classe, dans laquelle le ou la professeur puisera, peut-être, un jour, une ou deux idées, si cela l’arrange.
Pourtant, il est possible d’organiser un processus participatif sérieux sur la réforme de l’État. Un sujet aussi complexe et multiple exige que l’on donne aux citoyens le temps de s’informer et de débattre, afin qu’ils puissent se former une idée éclairée. En plus, tout le monde doit avoir une chance égale de participer, et pas seulement ceux qui ont le temps, les connaissances préalables et un bon accès à l’internet à la maison. Alors comment s’assurer que chacun ait la même chance d’accéder à la discussion? En tirant les participants au sort. Le tirage au sort garantirait un bien meilleur reflet de la société belge que cette enquête en ligne.
Des exemples nationaux et internationaux montrent qu’une telle approche est beaucoup plus efficace. En Bosnie-Herzégovine, où la situation politique est pourtant très complexe, un panel de citoyens est parvenu à formuler des recommandations pour un meilleur système électoral. Plus tôt, en Irlande, une commission mixte de citoyens tirés au sort et de politiciens a travaillé sur une révision de la Constitution. La semaine dernière, le Bundestag allemand a décidé de mettre en place plusieurs panels citoyens, dont un cette année encore. Chez nous aussi, l’expertise est disponible : l’année dernière, Sophie Wilmès, alors ministre des affaires étrangères, a organisé une délibération citoyenne sur la question de savoir comment l’Europe peut devenir plus démocratique. En Belgique germanophone, le parlement coopère de façon structurelle avec ses citoyens dans le cadre du Dialogue citoyen permanent. Une première mondiale.
Cette enquête citoyenne est donc un faux départ, mais la course n’est pas encore terminée. Pour sauver ce processus, les ministres qui ont lancé la consultation et le parlement doivent au plus vite clarifier le suivi. Le message aux autorités est clair : déterminez dès aujourd’hui les sujets qui seront soumis à un panel de citoyens tirés au sort. Donnez-leur un mandat précis et engagez-vous à répondre à chaque recommandation en précisant si et comment elle sera suivie, et pourquoi. Plus vite cela sera clair, plus les citoyens seront motivés à ajouter leurs idées à la plateforme.
Si vous voulez enfoncer un clou dans un mur, inutile de dépenser une fortune pour un bon tournevis. Il est donc grand temps de s’équiper des outils adéquats pour s’attaquer à la reconstruction de la structure de notre état.
Ben Eersels, coordinateur de la plateforme G1000
Le titre est de la rédaction. Titre original: Comment sauver la consultation citoyenne « Un pays pour demain »
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici