Pierre Havaux
Vent du Nord de Pierre Havaux | Les chrétiens sont aussi nombreux que les musulmans à placer la foi avant la loi
Le premier « Barometer Samenleven » qui ambitionne de sonder chaque année ce qui se vit parmi les personnes d’origine non-européenne établies en Flandre, livre un constat qui a surpris le ministre du Vivre-Ensemble, Bart Somers (Open VLD): les chrétiens sont aussi nombreux que les musulmans à estimer avoir le droit d’enfreindre la loi lorsqu’elle heurte leur conviction religieuse. De quoi contrarier le discours islamophobe du Vlaams Belang.
La question pouvait désarçonner par son côté intrusif et indiscret. Dans leur soif de relever le défi du vivre-ensemble en Flandre, les autorités se donnent les moyens de prendre le pouls de ce qui se vit parmi les personnes d’origine étrangère qui ont fait le choix de poser durablement leurs valises en Flandre. Un «Barometer Samenleven» sera désormais cette boussole à même d’approcher au plus près leurs préoccupations, leurs attentes, les variations de leurs humeurs sur les aspects divers et variés du quotidien, de l’enseignement à la citoyenneté, de l’emploi à la maîtrise du néerlandais. De quoi alimenter un tableau de bord actualisable et fort utile pour s’assurer que le parcours d’intégration civique, l’inburgering, œuvre effectivement à une cohabitation harmonieuse entre habitants d’origine belge et étrangère.
Le père de ce baromètre préfère en retenir que 91% des sondés acceptent et respectent la primauté de la loi sur la foi.
Pour en arriver au degré de précision voulue, il faut pouvoir toucher à une part d’intime et inviter les sondés à la dévoiler, dans le plus strict respect de la protection de la vie privée, cela s’entend. Ainsi leur a été soumis ce délicat sujet de méditation: «Que pensez-vous de l’affirmation suivante? “Je pense que j’ai le droit d’enfreindre les lois belges si elles ne sont pas compatibles avec les préceptes de ma foi”.» Affirmatif, ont répondu 9% des citoyens de deuxième génération d’origine non européenne sondés, ainsi acquis à l’idée que la loi belge peut être foulée aux pieds lorsqu’elle heurte une conviction religieuse.
L’extrême droite, incarnée par le Vlaams Belang, n’en demandait pas tant pour s’émouvoir de ce résultat, s’en offusquer et en déduire l’ampleur d’un péril supposément venu avant tout d’Afrique et du Moyen-Orient, sous-entendu de ce monde musulman tellement lourd de menaces. Et d’inviter le ministre du Vivre-ensemble, Bart Somers (Open VLD), à commenter ce constat taxé de préoccupant.
Le père de ce baromètre, sans remettre en doute la véracité du chiffre, préfère en retenir que 91% des sondés acceptent et respectent la primauté de la loi sur la foi. Voilà qui relativise grandement les vélléités d’en faire tout un plat et autorise au contraire bien des espoirs, se réjouit le ministre qui puise une autre agréable surprise en découvrant que dans ce groupe cible peuplé de musulmans mais aussi de chrétiens et de libres penseurs, la différence de pourcentage entre chrétiens et musulmans d’origine non européenne qui déclarent placer leur conviction religieuse avant la loi est statistiquement insignifiante: 10% et 7% chez les chrétiens de première et deuxième génération, 9% et 10% chez les musulmans. Et si écart plus significatif il y a en Région bruxelloise, ce sont les chrétiens de première et de deuxième génération qui sont plus enclins à placer leur foi en tête de priorité que les musulmans. Bart Somers a donc mis à profit «cette information surprenante» à ses yeux pour rappeler utilement que la difficulté d’accepter la séparation de l’Eglise et de l’Etat et de mettre sa croyance ou sa conviction idéologique en sourdine quand la loi l’exige ne connaît pas de frontière confessionnelle, «dans un pays où un roi a autrefois déclaré qu’il ne signerait pas la loi sur l’avortement parce que sa foi le lui interdisait». «Petite provocation», dixit l’orateur, qui n’aura pas été poussée jusqu’à citer le nom.
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