Bertrand Candelon

Une bonne gouvernance pour une bonne croissance (chronique)

Bertrand Candelon Professeur de finance à l'UCLouvain et directeur de la recherche Louvain-Finance.

Dans une période où la croissance est structurellement faible, il est important d’analyser les facteurs qui pourraient permettre de booster la gouvernance.

A côté des déterminants traditionnels que sont l’innovation, l’éducation ou l’investissement, la recherche en science économique s’intéresse depuis plusieurs décennies à la gouvernance d’un pays et à ses liens potentiels avec la croissance quantitative et qualitative.

Le concept de gouvernance couvre un large spectre. Il revêt tout d’abord un aspect politique. Un Etat doté d’une bonne gouvernance implique un régime démocratique, dans lequel tous les citoyens ont la possibilité de participer à la nomination de leurs gouvernants, et qui respecte la liberté d’expression, de la presse et d’association. Il est donc nécessaire que l’éducation, en particulier civique, ait atteint un niveau suffisant et que les actions prises par les autorités soient transparentes et contrôlables. Cette dimension politique offre une stabilité économique et promeut ainsi une croissance qui soit inclusive, donc de qualité. Ensuite, la dimension économique de la gouvernance procure la garantie que l’Etat agit de manière prévisible et respectueuse de l’intérêt individuel de ses citoyens. Cet aspect de bonne gouvernance permet au pays de présenter un faible «risque pays» (NDLR: le risque de matérialisation d’un sinistre, résultant du contexte économique et politique d’un Etat) et donc de pouvoir stimuler l’investissement de long terme, qu’il soit domestique ou étranger.

La Belgique et la Wallonie possèdent certainement une marge d’amélioration à exploiter.

De nombreuses études ont eu pour but la construction d’un indice composite pour mesurer la «variable gouvernance». Elles proposent des approches très similaires à celle développée par la Banque mondiale, qui repose sur cinq piliers: la qualité de la voix citoyenne et sa responsabilité, la stabilité politique et l’absence de violence et de terrorisme, l’efficacité des pouvoirs publics, la qualité de la réglementation, l’Etat de droit et la lutte contre la corruption. Les études empiriques montrent clairement une causalité entre cet indice de gouvernance et la croissance. Néanmoins, elles soulignent aussi l’existence d’une causalité inverse, c’est-à-dire que plus un pays est développé plus sa gouvernance est bonne. De même, les résultats ne sont pas univoques quant à l’importance relative de chaque pilier pour la croissance.

© Belga image

Les données de 2020 montrent que la Belgique se situe dans le top 10% mondial des pays en matière de gouvernance, devant la France et l’Italie mais largement derrière les Pays-Bas ou l’Allemagne. Trois points attirent cependant l’attention. Tout d’abord, on remarque que l’indice de gouvernance reste structurellement plus élevé en Flandre qu’en Wallonie. Ensuite, la Belgique n’obtient qu’un classement très moyen pour ce qui est de la stabilité politique et l’absence de violence et de terrorisme, alors que sa position est très bonne pour les autres piliers. Enfin, aucun des cinq indicateurs ne semble s’être significativement amélioré depuis 2015. Cette évolution est même plus préoccupante pour l’indicateur d’efficacité des pouvoirs publics, qui, lui, s’est sensiblement dégradé.

Même si ni les mesures empiriques ni les relations théoriques ne sont parfaites, il est évident qu’une bonne gouvernance constitue une condition sine qua non pour garantir une croissance soutenue et de qualité. Dans ce cadre, la Belgique et la Wallonie possèdent certainement une marge d’amélioration à exploiter.

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