Joseph Ndwaniye
« Un musée n’est pas un lieu destiné à une visite distraite et superficielle »
Lors de mon passage à Lima, la capitale péruvienne, pour des activités littéraires, j’ai eu l’opportunité de visiter le musée Larco.
J’avais la chance d’être hébergé par mon ami belge Guy Vanackeren, guide officiel, installé dans le pays depuis quelques dizaines d’années et passionné d’histoire et d’archéologie locales. Après qu’un taxi nous a déposés dans le quartier de Pueblo Libre, nous avons poursuivi notre chemin à pied. C’est au rythme de sa démarche lente, dont chaque enjambée berce le silence, que nous sommes parvenus à une imposante bâtisse entourée de magnifiques jardins fleuris de bougainvilliers et de superbes cactus.
Le musée fut créé en 1926 par Rafael Larco Hoyle, alors âgé de 25 ans. Avec l’aide de son père, il a réussi à rassembler environ 45 000 pièces tant artistiques qu’usuelles. Le guide en a profité pour me partager son point de vue. «Un musée n’est pas un lieu destiné à une visite distraite et superficielle.» Me voilà prévenu! Les collections présentées sont destinées à enrichir la culture du visiteur, sa connaissance du pays. Il doit le parcourir avec un esprit critique pour déconstruire certaines affirmations ou raccourcis réducteurs, parfois idéologiques. Le choix de ce qui est présenté n’est pas anodin, bien qu’il soit parfois simplement lié à l’espace disponible.
Un musée n’est pas un lieu destiné à une visite distraite et superficielle.
Ce n’est pas le cas du musée Larco qui ouvre de façon permanente et systématique ses réserves, classifiées par thématiques: représentations humaines, pathologies ou difformités, visages, aliments… Pour étayer sa démarche, le guide choisit de commencer la visite par les réserves du musée, avant de parcourir les salles d’exposition. A la vue des céramiques anthropomorphes à visages glabres ou des portraits aux joues et menton exempts de tout poil, on pourrait croire que les Amérindiens étaient tous imberbes. Mais de nombreux exemplaires de céramiques restées dans les réserves représentent des hommes portant barbe ou moustaches à l’époque précolombienne.
Dans l’imaginaire des gens, à la suite des affirmations des conquistadors et d’autres Européens, l’alimentation des autochtones, avant leur arrivée, était constituée uniquement de patates, de maïs et de cochons d’Inde. Si les peuples d’Amérique latine ne connaissaient ni le riz, ni le bœuf, ni le mouton, ni le blé, ni l’avoine, ni l’orge, ni le raisin, ni le houblon, des représentations de repas composés de volailles, de viandes d’élevage, de gibiers, de produits issus aussi bien de l’océan que d’eau douce, sur nombre de pièces exposées, démontrent au contraire la diversité de leur alimentation. Les collections principales relèvent des civilisations Mochicas et Chimú.
En quelques heures, nous avons traversé différentes époques lointaines: de l’âge des flèches en pierre taillée en passant par celui du précéramique, de la civilisation des Incas à l’arrivée des conquistadors jusqu’à la vice-royauté. Ce musée privé permet par l’analyse de pièces en pierre, bois, céramique, tissu, métaux, plumes… de démontrer la diversité des productions et la créativité des cultures qui se sont succédé au Pérou avant l’arrivée des Européens.
Une visite à ne pas manquer, accompagné d’un bon guide. Au risque de passer à côté de ces trésors mis en valeur par des personnes passionnées, désireuses de rétablir et de démontrer la richesse de l’histoire préhispanique de ce fabuleux pays.
Joseph Ndwaniye est infirmier et écrivain.
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