Bertrand Candelon

L’élection de Trump, «game changer» pour l’Europe (chronique)

Bertrand Candelon Professeur de finance à l'UCLouvain et directeur de la recherche Louvain-Finance.

En vertu des mesures annoncées par le nouveau président américain, la mondialisation est vouée à disparaître. Les conséquences économiques sont importantes, notamment pour le Vieux Continent.

L’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis marque une étape supplémentaire dans le remodelage de l’économie mondiale. La mondialisation, qui avait émergé à la fin de la Seconde Guerre mondiale et atteint son apogée avec la chute du mur de Berlin il y a plus de 30 ans, est en train de disparaître. Les conséquences économiques sont importantes, notamment pour l’Europe, dont la croissance reposait principalement sur le libre-échange et un approvisionnement énergétique peu coûteux. Le Vieux Continent, qui devait déjà faire face depuis 2020 à une Chine économiquement impérialiste et à une Russie belliqueuse, devra également s’ajuster aux nouvelles orientations de l’économie américaine.

Le programme Maga («Make America Great Again»), qui a porté Donald Trump au pouvoir, ne laisse aucun doute sur l’amplification du protectionnisme américain. Les droits de douane sur les exportations, notamment européennes, qui avaient déjà augmenté avec l’Inflation Reduction Act, seront renforcés pour favoriser les entreprises américaines, qui bénéficieront, en plus, d’une réduction de leur taux d’imposition à 15%. On peut raisonnablement penser qu’une série de rétorsions commerciales s’ensuivra, avec des conséquences pour les entreprises européennes qui exportaient vers les Etats-Unis, ainsi que les consommateurs, qui verront le prix des biens importés augmenter. Cette recrudescence du protectionnisme pourrait, à terme, compromettre le retour de l’inflation à son objectif de long terme de 2%.

Donald Trump a également clairement encouragé l’extraction des énergies fossiles avec son slogan «Drill, baby, drill». N’oublions pas que les Etats-Unis sont l’un des premiers producteurs mondiaux de gaz et de pétrole et qu’ils se retireront pour la deuxième fois en dix ans de l’accord de Paris. L’Europe se retrouvera probablement presque seule à vouloir limiter les émissions de CO2 à travers une réglementation plus contraignante. Ces normes, qui introduisent des coûts supplémentaires, fragiliseront la compétitivité des sociétés européennes face à leurs concurrentes, tout en limitant l’impact sur le changement climatique mondial.

Le nouveau président américain a aussi promis de conserver les bitcoins saisis lors des actions judiciaires passées, et même d’accroître cette réserve à l’avenir. Il a en outre promis de remplacer Gary Gensler, le président de la Securities and Exchange Commission (SEC), qui souhaitait une régulation plus stricte des cryptoactifs. Ce soutien a entraîné une explosion du prix du bitcoin (près de 50 %) ainsi que des autres cryptomonnaies. Même si cette appréciation semble de court terme et motivée par un phénomène autoréalisateur, l’institutionnalisation des cryptoactifs pose question. En particulier, elle pourrait rendre la politique monétaire moins efficace, ce qui serait particulièrement préjudiciable en cas de crise financière. L’objectif de stabilité financière devient donc impératif pour les pays européens.

Si l’on ajoute à ces éléments la réduction de l’immigration illégale et la suspension du financement à l’Otan, il devient clair que cette élection américaine est un véritable «game changer», et que l’Europe devra rapidement trouver les moyens de s’adapter et de résister à ces nouvelles orientations économiques aux Etats-Unis.

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