Bertrand Candelon
Une régulation concertée pour un tourisme soutenable (chronique)
Le tourisme est désormais un secteur clé dans les pays développés. Mais il contrecarre les objectifs de réduction des émissions de CO2.
Depuis une cinquantaine d’années, le tourisme connaît une croissance exponentielle. Alors que les voyages internationaux se comptaient en millions dans les années 1950, leur nombre a atteint presque 1,4 milliard en 2019, avant la crise du Covid. Cette évolution a été rendue possible grâce au développement des transports, notamment aériens. La multiplication des vols internationaux, l’accroissement des capacités des avions et le développement plus récent de l’offre low cost ont fait chuter les prix, rendant ainsi les voyages internationaux accessibles à un plus grand nombre. Par ailleurs, grâce à la mondialisation, les capitaux se sont orientés vers ce secteur d’activité afin d’accroître les offres d’hébergement, bien que celles-ci restent toujours insuffisantes face à la demande croissante et sont complétées par des offres d’accueil non professionnelles, du style Airbnb. Simultanément, on a assisté à une augmentation significative du pouvoir d’achat permettant aux ménages de consacrer une part toujours plus grande de leur budget aux activités touristiques.
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Le tourisme est désormais un secteur clé dans les pays développés. Même si sa contribution au PIB est inférieure à 3% en Belgique, elle atteint 13% en Espagne et en Italie, et jusqu’à 20% en Grèce, voire encore plus dans certaines régions comme la Corse ou les Baléares. Le secteur emploie ainsi presque douze millions de personnes en Europe, un chiffre comparable à celui de l’automobile. Son importance stratégique a sauté aux yeux pendant la crise du Covid, où la baisse des voyages fut vertigineuse: aux Baléares, par exemple, le PIB en 2021 est revenu à son niveau de 2007! Fort de cette expérience, de nombreux pays en développement ont décidé d’utiliser le levier du tourisme comme moteur de croissance, à l’image de la Thaïlande, de l’Indonésie ou du Kenya, augmentant ainsi la concurrence internationale dans ce secteur.
Néanmoins, cette évolution n’est pas sans problèmes. La multiplication des vols touristiques contrecarre les objectifs de réduction des émissions de CO2. De plus, l’afflux de touristes met en péril certains sites historiques et naturels. Cette situation est aggravée par l’insuffisance des infrastructures publiques, telles que le traitement des déchets et des eaux usées, qui ne peuvent pas gérer le flux croissant de visiteurs. Enfin, dans les zones touristiques, on observe une inflation des prix des biens de consommation courante et des logements, provoquant le mécontentement des populations locales.
Afin de garantir la soutenabilité de l’activité touristique, certains gouvernements ont donc renforcé la régulation dans ce secteur: instauration d’une taxe d’entrée à Venise, imposition de droits de séjour élevés dans certaines régions françaises ou à Kyoto, et limitation des locations saisonnières en Espagne. Ces mesures ont indubitablement un coût significatif pour la croissance et les revenus des pays visités mais aussi sur le pouvoir d’achat des touristes. La recherche d’une régulation concertée internationalement qui permette le développement d’un tourisme soutenable mais aussi porteur de croissance constitue donc toujours un défi majeur.
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