Juliette Debruxelles

Comment les jeunes concilient sexe et religion dans leur vie de couple

La main de Dieu semble peser lourdement sur de nombreux couples qui cherchent à concilier foi et sexe. Ames fragiles s’abstenir?

Conjuguer idéal moral religieux et envie de rouler de grosses pelles. Concilier rectitude morale et écoute de ses envies de sexe. Dealer avec des prescriptions de prophètes proclamés et la réalité des tentations humaines… De quoi, pour les croyants modérés, développer de solides combats intérieurs. En particulier pour les jeunes vivant dans une société ou la normalisation de la liberté sexuelle prévaut sur le regard pesant de là-haut.

Dans Au commencement était le couple. Sexualité, amour et religion chez les jeunes, paru en avril dernier, la sociologue Marion Maudet livre les résultats d’une enquête auprès de musulmans, juifs et catholiques de 18 à 35 ans. On y lit la nécessité, pour eux, de créer des accommodements pour tendre vers la conciliation entre soi, époque et foi.

Interrogée en septembre 2023 par la revue (très) catholique La Vie, Hélène Dumont, sexothérapeute qualifiée de «catho compatible», indiquait rencontrer nombre de couples (principalement âgés de 25 à 40 ans) faisant face à de grandes déceptions au moment franchir le Rubicon de la pénétration. Lorsque l’idéal spirituel de la sexualité se heurte à la réalité de la vie quotidienne, la tension ne se place pas toujours au bon endroit dans le caleçon…

Comment se la jouer sensuel et débridé au lit lorsqu’au-dessus de soi trône un crucifix?

Au milieu des années 2010 et à travers une méthode appelée «priming religieux subliminal», Vassilis Saroglou et Caroline Rigo, chercheurs en psychologie à l’UCLouvain, arrivaient à une conclusion: exposés à des termes religieux subliminaux, des croyants et non croyants adoptent une attitude pudibonde face à la représentation de la sexualité. Dès lors, comment se la jouer sensuel et débridé au lit lorsque au-dessus de soi trône un crucifix? Deux options: certains, délivrés de l’abstinence après des années d’attente, consomment comme des lapins, au point de tendre vers l’abus du «devoir conjugal». D’autres sentent toujours peser sur eux la main de Dieu. Résultats: injonction à la fécondation, vaginisme, difficultés à éjaculer et recherche éperdue d’un orgasme simultané, histoire de ne pas faire preuve d’un égoïsme extatique coupable.

Le pilier commun aux jeunes fidèles (et fidèles): l’objet «couple», comme mécanique mystique d’union, resterait central. Un élément qui serait même essentiel à la construction de leur identité d’individu et de personne croyante.

Un refuge ou l’on fait don de soi et où on n’est plus obligé de dormir les mains au-dessus des draps… Car en théorie, pas de masturbation pour qui respecte à la lettre les saintes prescriptions. Dans son ouvrage de référence, Le Sixième Commandement, l’historienne Martine Sevegrand rappelle la restriction de la sexualité à des rapports féconds dans le cadre du mariage. Au feu, homosexualité, contraception et petit coup vite fait sur le balcon. Des combats d’arrière-garde bousculés depuis le début des années 1970, mais qui sont régulièrement remis au goût du jour par des extrémistes-orthodoxes-excités de la pureté. Avec des conséquences sur les âmes fragiles. Une aubaine pour les rétrogrades alors que pour les personnes bien dans leur temps, il serait plutôt temps de réconcilier les théories, les ressentis et d’en finir avec la culpabilité. D’évoluer vers des positions qui glorifient l’amour et l’utilisation joyeuse du temps qui nous est accordé sur Terre.

Juliette Debruxelles est éditorialiste et raconteuse d’histoires du temps présent.

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