Nicolas De Decker
Sanctionner un chômeur, c’est comme gifler un enfant: seul celui qui tape y trouve de l’intérêt
Les études le démontrent: sanctionner les inactifs ne les aide pas à trouver un emploi. Pourtant, presque tous les partis réclament de les sanctionner davantage. Pas pour le bien des chômeurs, mais pour satisfaire leurs électeurs
On a tort de croire que la science, toujours, étend un inexorable empire auquel la morale jamais ne peut résister. La connaissance, bien sûr, peut parvenir, parfois, à infléchir les valeurs les plus rigidement justifiées par la pensée dominante.
Ainsi, dans le champ de l’éducation, un large consensus scientifique a, c’est pratiquement fait, brisé un pilier de notre ancienne morale. Les vieux cons, et cet état n’est pas sans lien avec ce qui suit, se rappellent que quand ils étaient petits, les torgnoles, les raclées, les beignes et les fessées volaient, tandis qu’aujourd’hui on ne ne gifle presque plus les gosses.
Le premier baffe le second en lui disant «c’est pour ton bien», alors que ce n’est que pour le sien.
Si on ne tape plus sur les enfants, ce n’est pas tant que l’éthique parentale s’est subitement transformée, ni même que les parents d’aujourd’hui aiment davantage leur criarde engeance que ceux d’hier, mais que les sciences médicales et de l’éducation ont démontré que ce n’était pas pour son bien qu’on foutait sa rame à un petit arrogant.
Des dizaines et des dizaines de recherches ont prouvé que la violence n’induisait, contrairement à ce qu’une bien-pensance forgée par des siècles de glorification de la férule paternelle sous-entendait, aucun bénéfice pour l’éduqué, et que la calotte, en fait, n’avait qu’une seule vertu: le soulagement momentané procuré à l’éducateur, qui se déchargeait ainsi d’un énervement parfois compréhensiblement accumulé.
Le baffé n’en devenait pas moins baffable, mais le baffeur, la poigne alourdie et la colère allégée par des siècles d’éthique mensongère, pouvait prétendre que la baffe servait la victime. Elle ne faisait que calmer le coupable.
En revanche, la morale politique, elle, ne semble jamais devoir se rendre devant la science. Il y a ainsi chaque jour toujours plus de preuves pour démonter une autre bien-pensance infantilisante, politique celle-là, qui assure que si les inactifs sont plus nombreux en Wallonie et à Bruxelles qu’en Flandre, c’est parce qu’ils ne reçoivent pas assez de fessées.
Paradoxalement, les défenseurs proclamés de la raison, du bon sens et du pragmatisme prônent cette vertu de la baffe, si bien qu’en Flandre notamment, personne ne peut oser en douter.
Les études, pourtant, démontrent qu’en éducation comme en économie, ces fessées n’ont aucun autre effet que contre-productif.
De plus, les chiffres officiels indiquent que les chômeurs, les malades et les vieux ne sont pas spécialement moins battus à Bruxelles et en Wallonie qu’en Flandre.
Il est du reste d’une évidence facilement saisissable que, le système social et les politiques économiques étant, en fait, pratiquement les mêmes dans les trois Régions, les facteurs différenciant les taux d’activité devraient être cherchés ailleurs.
Mais quand ce sont des organismes qui le disent, c’est ignoré.
Et quand c’est la FGTB wallonne qui le rappelle, c’est moqué.
Pas parce que c’est faux, mais parce que ça ne semble pas juste aux bien-pensants de la baffe.
Car ces vérités empiriques et ces arguments logiques contredisent la morale du dominant, dont tout l’édifice politiquement correct repose sur cet axiome, matériellement erroné mais électoralement justifié, qu’il faut baffer le chômeur parce que c’est pour son bien.
Entre le politicien et le chômeur, comme entre le père et l’enfant, le premier baffe le second en lui disant «c’est pour ton bien», alors que ce n’est que pour le sien.
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