Joseph Ndwaniye
Rencontre au sommet au parc national de l’Akagera (chronique)
Il n’y a pas que les Big Five que l’on peut voir au parc de l’Akagera, au Rwanda. On y croise aussi, parfois, quelques « animaux »… politiques.*
Voici quelques semaines, je séjournais au Rwanda pour une résidence de travail avec le peintre belge Paul De Gobert. On lui doit de nombreuses publications et des œuvres monumentales, dont la fresque qui habille les murs de la station de métro Vandervelde, à Bruxelles. Passionné par les paysages et la biodiversité du pays des mille collines tout autant que par sa culture, il désirait partager cette richesse par l’intermédiaire de ses crayons et pinceaux. Connaissant l’amour que je porte à mon pays natal, il m’a proposé de lui servir de guide et de participer à l’élaboration d’un livre d’art en y apportant ma touche personnelle par l’écriture de courts textes accompagnant chacun de ses tableaux.
Avec ma fille, qui nous avait rejoints pour quelques jours, nous avons décidé de commencer par le parc national de l’Akagera, créé en 1934. Nous rêvions d’y rencontrer les Big Five (lion, buffle, éléphant, rhinocéros, léopard).
Dimanche, 8 heures du matin, notre chauffeur gare son 4X4 à l’entrée du parc. Nous préparons les documents requis (passeport, attestation de vaccin contre le Covid…) quand deux autres véhicules arrivent sur le parking. Des touristes en sortent au pas de sénateur.
Paul remarque un homme dont le visage lui est familier. J’ai aussi l’impression de l’avoir vu dans tous les gouvernements au cours des 36 ans que j’ai vécus en Belgique. Je reconnais sa calvitie typique et il porte, comme à son habitude, une chemise blanche amidonnée, un pantalon en toile et des chaussures de ville bien cirées. Je reconnais aussi un jeune député rencontré en ville deux jours plus tôt. Je comprends qu’il s’agit du groupe de députés venus représenter la Belgique à l’Assemblée parlementaire francophone qui se tient à Kigali. Je m’approche du groupe. Loin de la Belgique, je les perçois plutôt comme des compatriotes. Dans mon élan, je crois avoir reconnu une des femmes et je la salue par son nom. «Il y a erreur sur la personne, me répond-elle, vexée. Elle n’est pas du même parti que moi!» «Mais oui, comment ai-je pu vous confondre. Excusez ma mémoire…»
Au point de rencontre pour la pause déjeuner, l’âme protestataire de certains revient au galop.
Je poursuis néanmoins et m’approche de l’homme de tous les gouvernements. Lui, impossible de le confondre. J’en profite pour glisser un mot à propos de notre projet… et du financement qu’il nécessite. Il m’assure qu’un si beau projet trouvera facilement un soutien. Mais il n’oublie pas d’insister sur le fait que la culture n’est pas gérée, actuellement, par son parti. Dommage. La bonne humeur qui règne dans le groupe contraste avec les noms d’oiseaux qu’on entend parfois au cours des débats aux parlements. Une députée me tend sa carte de visite en cas de besoin.
Nous entamons la visite de l’Akagera chacun de son côté. Nous nous croiserons au bord du lac aux hippopotames et près d’un troupeau d’éléphants. Lorsque nous arrivons au point de rencontre pour la pause déjeuner, l’âme protestataire de certains revient au galop: un membre de la délégation trouve que les sandwichs que l’hôtel 5 étoiles leur a préparés sont infects. Je préférerais manger de l’hostie, fulmine-t-il. Heureusement, il y a une cantine sur place. Certains ont choisi d’abandonner leur pique-nique au profit d’un repas chaud. Mais il n’arrive pas assez vite au goût d’une femme de la délégation qui perd son sang-froid. Elle décide de s’introduire dans la cuisine pour clamer son mécontentement avec vigueur. Le ridicule, heureusement, ne tue pas. Tout ce qu’elle a gagné, c’est de perdre sa place dans la file.
*L’introduction est de la rédaction.
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