Gérald Papy
C’est la hess de Gérald Papy: un président devrait dire ce qu’il a dit qu’il dirait
Erreur de communication ou rétropédalage? Emmanuel Macron n’a donc pas dit que la France et les Occidentaux auraient pu arrêter le génocide des Tutsis en 1994 s’ils en avaient eu la volonté…
Il n’est pas très en réussite ces temps-ci dans ses déclarations publiques, le président français Emmanuel Macron, auquel on prête pourtant volontiers une élégance et une profondeur rhétoriques.
Rétroactes. Le jeudi 4 avril, sur la base d’éléments fournis par les services de l’Elysée à des journalistes en prévision d’une allocution qui doit être diffusée le 7 avril, jour de la commémoration du 30e anniversaire du génocide des Tutsis et des Hutus modérés au Rwanda, les médias en retiennent l’information la plus marquante et inédite. «La France, qui aurait pu arrêter le génocide avec ses alliés occidentaux et africains, n’en a pas eu la volonté», découvre-t-on. Beaucoup y voient une étape salutaire de plus dans le travail d’introspection que la France mène avec un certain courage sur son rôle trouble, sous la présidence de François Mitterrand et sous le gouvernement d’Edouard Balladur, donc toutes grandes familles politiques confondues, aux côtés des responsables du génocide de longues semaines après le début des massacres de 1994.
Le dimanche venu, cependant, le discours d’Emmanuel Macron diffusé ne fait aucunement mention de l’hypothèse que la France aurait pu stopper le génocide des Tutsis si elle en avait eu la volonté. Y figure, en revanche, cette formule sibylline, en référence à l’allocution qu’il avait prononcée à Kigali, en 2021, où il avait reconnu les responsabilités de la France tout en déniant qu’elle ait pu être complice des génocidaires: «Je n’ai aucun mot à ajouter, aucun mot à retrancher.» Pourquoi cette insistance? Parle-t-il là réellement aux Rwandais auxquels est prioritairement destinée cette adresse? Ou aux Français réfractaires qui se sont sentis agressés par «l’aveu» distillé trois jours plus tôt?
Le service de communication élysien a plaidé l’erreur. Mais le soupçon est grand que le texte ait été modifié entre le jeudi et le dimanche pour, en période électorale, éviter d’exposer la macronie au reproche qui lui est souvent fait, à droite, de céder trop facilement à ce que ses partisans caricaturent comme une «mode de la repentance». Les sondages pour les élections européennes du 9 juin placent le Rassemblement national à 30% des votes, loin, très loin, devant la liste du parti Renaissance, créditée de 16,5% des voix. Pour les Rwandais, le rétropédalage macronien jette une petite ombre sur le rapprochement avec Paris sans le remettre en cause.
En revanche, l’image du président français n’en sort pas grandie. D’autant qu’il n’en est pas à son premier couac communicationnel depuis la fin de 2023. En février, lorsqu’il n’avait pas exclu l’envoi de troupes européennes au sol en Ukraine, sa déclaration avait dérouté ses partenaires. En décembre passé, surtout, son soutien implicite à Gérard Depardieu, qui «rend fière la France» malgré les accusations d’agressions sexuelles portées à son encontre, avait choqué. Par conséquent, dans ce dossier, François Hollande apparaît rétrospectivement comme le président qui fut le plus lucide sur le comportement de l’acteur, ami des dictateurs. Hollande plus visionnaire que Macron, voilà qui ne doit pas faire sourire le plus jeune président français volontiers moqueur sur son prédécesseur.
«Emmanuel Macron n’en est pas à son premier couac communicationnel depuis la fin de 2023.»
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