Nicolas De Decker

Pourquoi Céline Tellier et Hadja Lahbib n’ont pas démissionné alors qu’elles auraient dû le faire

Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Les deux ministres Céline Tellier et Hadja Lahbib, non élues et « issues de la société civile », ont refusé de démissionner alors qu’elles auraient dû le faire. Et si c’était parce qu’elles n’avaient pas de porte de sortie, une fois entrée en politique?

On a tendance à dire que Marx exagère, on a souvent raison mais quand la situation matérielle suffit à expliquer l’éthique personnelle de deux individus qu’autrement tout devrait opposer, on se dit que le vieux bougre a parfois raison.

Ces deux personnes que tout oppose militent aujourd’hui dans les deux partis les moins marxistes de Belgique francophone: un de gauche, Ecolo, et un de droite, le MR. Deux partis qui aiment dire faire de la politique autrement, et pourtant leur destin ressemble à une bédé qui expliquerait le marxisme aux enfants de Raoul Hedebouw, où la situation matérielle des deux personnages qu’autrement tout oppose surdétermine leur morale individuelle.

Ces deux personnes que tout oppose n’ont jamais été élues, mais le seront en juin prochain, elles auront une bonne place sur une bonne liste. D’ici là, elles doivent tenir, sinon elles n’auront plus rien. Alors, elles tiennent, alors qu’il y a longtemps que leur parti et elles auraient dû lâcher.

Elles ont été recrutées parce qu’elles ne fonctionnaient pas comme des politiques, qu’elles allaient rompre avec les habitudes d’un milieu et ce faisant, réconcilier le citoyen qui n’avait pourtant pas pu voter pour elles, avec les mandataires politiques pour lesquels il était lassé de voter.

Ces deux personnes sont Hadja Lahbib et Céline Tellier, deux ministres non élues issues de la société civile, et deux femmes politiques qui ont manifestement engagé leurs responsabilités, personnelle et politique, dans la commission de fautes, morales et politiques. Et ces deux politiques pas comme les autres se sont refusées à accomplir leur devoir politique le plus basique, démissionner quand on a merdé. L’une était célèbre partout, l’autre connue dans son domaine, alors un président de parti les a choisies, et elles sont devenues ministres. Pour cela, elles ont quitté le poste qu’elles exerçaient. L’une avait été journaliste, avait obtenu d’un gouvernement rouge-vert un mandat à Bruxelles, et a rejoint un parti bleu qui se cherchait une ministre des Affaires étrangères populaire. L’autre avait été sociologue, dirigeait le lobby environnementaliste wallon, et a rejoint un parti vert qui se cherchait une ministre de l’Environnement marquante.

Chacune a commis des fautes spécialement graves eu égard aux idéaux de son nouveau parti.

La première a délivré des visas à des terroristes, la seconde n’a pas informé la population que l’eau du robinet était toxique. Chacune a rejeté la responsabilité sur un autre, la première sur un ministre bruxellois qui a démissionné, la seconde sur un cabinettard qu’elle a viré. Aucune des deux n’a démissionné. Aucun autre politique n’aurait pas démissionné.

Elles, elles sont restées ministres. Parce que si elles partaient, elles n’avaient rien d’autre en perspective de situation matérielle qu’une version dégradée de leur situation matérielle d’avant la politique. C’est une situation matérielle beaucoup moins bonne que celle de ministre, et leur morale personnelle s’en est retrouvée surdéterminée. Elles se sont donc accrochées comme aucun politique traditionnel ne l’aurait fait. Pas parce qu’elles font de la politique autrement. Mais parce qu’elles ne peuvent plus faire autrement que de faire de la politique.

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