Le Vif
Petplay: pourquoi se donner un mal de chien?
Le petplay est un jeu de rôle qui va bien au-delà de l’aspect sexuel. Pour certains, la pratique permettrait d’apaiser des blessures anciennes.
Se déguiser en animal, se déplacer à quatre pattes, aboyer, lécher et renifler tout ce qui est à notre portée. Une situation qui transcende les frontières de la sexualité pour toucher à des dimensions psychologiques et émotionnelles profondes. Dans le vaste univers BDSM (bondage, domination, soumission, masochisme…), une pratique se distingue par son côté – en apparence – ludique: le petplay. L’art, pour une personne qualifiée de «soumise», de se déguiser et de se comporter comme un animal face à une personne «dominante».
Colliers, laisses, masques, harnais, oreilles, prothèses, plug anal terminé par une queue, costume intégral, parfois en matières épaisses, plus ou moins élaboré, donnent à l’humain l’occasion de se sentir animal et de se dégager de toutes ses obligations et responsabilités (raison pour laquelle, dit-on, les personnes ayant les fonctions les plus élevées dans la hiérarchie professionnelle font les meilleurs soumis). Cages, gamelles, jouets ou nourriture adaptée complètent le décor.
Des jeux de rôle qui vont bien au-delà de l’aspect sexuel, se concentrant sur l’échange de caresses, de récompenses, de punitions et sur les techniques de dressage. Pendant que le soumis endosse le rôle de l’animal de son choix, le dominant lui accorde toute son attention et son affection. Et c’est bien ce qui est recherché: être en dépendance totale face à l’autorité d’une personne qui distribue les récompenses comme autant de validations et de confirmations. Si le contexte est discutable et les effets incertains, entendre «tu es un bon chien-chien» ou attendre une autorisation pour uriner dans le jardin peut aider certains à apaiser des blessures anciennes et enfouies. Un don d’attention profond, troublant et déstressant, si l’on en croit les adeptes. Qu’elles soient tendres ou exigeantes, les interactions requièrent une complicité profonde entre les partenaires.
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Le choix de l’animal à incarner dépend de la sensibilité et des goûts et de la personnalité profonde de chacun. Indomptable, espiègle, agressif, doux… Les caractères se révèlent et peuvent s’exprimer sans traverser le filtre du supposé bon sens humain et des codes sociaux. Quelle liberté. Le dog play ou puppy play invite à devenir un chien, à se laisser dresser, mettre en laisse, promener… Le kitten play, réputé plus doux, oscille entre attitudes câlines et coups de griffes. Le pony play ou horse play transforme le soumis ou la soumise en véritable cheval harnaché. Dressage sévère, œillères, mors et licol ou lourde selle en cuir donnent le ton. Le pig play ou «jeu de cochon», lui, ne s’encombre pas de finesse. Ici, on veut «du sale», de l’humiliation, de la fange, des épluchures à dénicher dans la boue et de la plongée dans l’art de renoncer aux conventions.
Mais n’allons pas croire que ceci à quelque chose en commun avec la zoophilie ou la bestialité. L’humain reste un humain. Eût-il dépensé 22 euros sur Amazon pour un masque de chien. L’étendue de l’offre sur la plateforme de vente est si surprenante qu’elle pourrait d’ailleurs indiquer que la pratique n’est pas si marginale qu’elle y paraît. T-shirts aux motifs très explicites, chaussettes «pattes de chat» ou bouquins didactiques se disputent le top des ventes avec les colliers et cravaches joliment ouvragées… Pris par une envie irrépressible de miauler?
Juliette Debruxelles est éditorialiste et raconteuse d’histoires du temps présent.
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