Carte blanche
Passé colonial : pourquoi le MR et l’Open VLD ont-ils empêché la Belgique de s’excuser ?
Trois députés PS (Christophe Lacroix, Jean-Marc Delizée et Malik Ben Achour) reviennent sur l’échec final de la commission sur le passé colonial et critiquent la position du MR et de l’Open VLD, qui ont selon eux empêché la Belgique de présenter officiellement des excuses.
Qui aurait pu imaginer une fin telle que nous l’avons connue ce lundi 19 décembre ?
Qui aurait pu penser un seul instant que les deux partis libéraux, le MR et l’Open-VLD, reniant les déclarations historiques de Georges Lorand, Louis Michel et Guy Verhofstadt, allaient envoyer balader d’un seul geste le travail que nous avions mené d’arrache-pied, ensemble, pendant plus de deux ans et demi ?
Comment imaginer qu’ils allaient, plutôt que de débattre, tenter de convaincre, argumenter, quitter la salle et ainsi d’empêcher un vote sur tout ? Empêcher le parlement de demander à l’Etat belge de présenter ses excuses ! De condamner sans réserve le colonialisme ! De continuer la décolonisation de l’AfricaMuseum ! De déconstruire le lien entre racisme et colonisation ! De faciliter la coopération universitaire entre les quatre pays…
Qui aurait pu prédire une telle lâcheté après avoir entendu plus de 300 témoignages de scientifiques, artistes, membres de nos gouvernements (fédéral et régionaux), représentants des diasporas et des pays concernés, la République du Congo, le Rwanda et le Burundi ?
Qui aurait pu augurer du fait que la Belgique, aussi progressiste soit-elle sur de nombreux sujets éthiques et symboliques, allait se voir empêchée de faire face à son histoire à cause d’une droite incapable de reconnaître le caractère inacceptable du colonialisme !
L’ironie du calendrier n’aura échappé à personne : la droite belge a tourné le dos à son histoire le jour-même où le Gouvernement des Pays-Bas reconnaissait sa responsabilité pour son passé esclavagiste
L’ironie du calendrier n’aura échappé à personne : la droite belge a tourné le dos à son histoire le jour-même où le Gouvernement des Pays-Bas reconnaissait sa responsabilité pour son passé esclavagiste, demandant des excuses et mettant en place un Fonds de réparations. Le Premier Ministre libéral, Marc Rutte, avait pourtant longtemps émis des réserves quant à la présentation d’excuses officielles. Mais il a pris, lui, ses responsabilités. C’est tout à son honneur et la Belgique devrait faire de même.
Pour nous, socialistes, la condamnation du système colonial est sans appel : il n’y a AUCUN aspect positif dans le colonialisme, il n’existe pas de colonialisme sans violence.
Condamner mais aussi s’excuser. Nous devons présenter des excuses pour notre passé colonial, c’est un acte qui nous grandit, nous replace dans un rapport égalitaire avec les Congolais, les Rwandais et les Burundais ; c’est un préalable pour avancer dans une relation égalitaire, penser à un avenir commun et un mieux vivre ensemble.
Notre proposition de créer un Fonds de réparations collectives s’inscrit dans l’objectif d’écrire un avenir commun qui permette l’émergence d’une conscience collective de la colonisation belge.
Au-delà du travail déjà engrangé par le Secrétaire d’Etat Thomas Dermine sur les restitutions (et on ne pourra que le saluer de ne pas avoir attendu les recommandations de la Commission sur le passé colonial pour traiter ce dossier) et les services des Archives Générale du Royaume, ce Fonds de réparations collectives financé notamment par les entreprises qui ont profité de la colonisation devrait soutenir des initiatives, projets, recherches notamment pour alimenter la vérité historique, entretenir la mémoire, déconstruire les préjugés,…
Ce fonds serait financé notamment par des entreprises qui se sont enrichies sur l’exploitation des peuples et ressources du Congo, du Burundi et du Rwanda. Même si les recherches doivent encore être approfondies sur certains sujets et sur la responsabilité précise de certains acteurs, il apparaît clairement que sur le volet économique déjà, l’accumulation de capital des grandes entreprises était la priorité absolue de l’institution coloniale.
Donc, nous ne nous arrêterons pas à l’échec de la commission parlementaire. Tout ce travail a permis de mettre en lumière des faits, une vérité, qui était encore trop peu connue. Nous voulons continuer à travailler. Et ce, aussi pour respecter le travail de ces femmes et ces hommes qui ont passé, eux aussi, des heures à venir décortiquer avec nous l’Histoire.
Nous voulons continuer à travailler avec les associations qui se mobilisent depuis plus de 10 ans pour clamer haut et fort que le racisme structurel est une des conséquences de la colonisation.
Nous voulons continuer à creuser, chercher, pour trouver d’autres vérités, nous pensons notamment à la responsabilité de la Belgique dans l’assassinat du Prince et Premier ministre Rwagasore au Burundi.
Nous voulons continuer à améliorer l’accès aux archives et plus spécifiquement pour les métis dans le cadre de leurs recherches sur leur composition familiale.
Car pour nous, socialistes, la question du mieux vivre ensemble est essentielle et nous ne pouvons accepter que, si certains ne sont pas encore prêts à regarder la vérité droit dans les yeux, nous devrions nous résoudre à baisser les bras.
Le travail se poursuivra ! Nous sommes en train de vivre un momentum historique. L’Histoire est tout, sauf le passé. L’Histoire est pouvoir. George Orwell, en 1949, dans son roman dystopique « 1984 » écrivait déjà : « Celui qui contrôle le passé, contrôle l’avenir. Celui qui contrôle le présent, contrôle le passé ».
A l’heure où l’extrême droite remonte dangereusement en flèche et où le racisme n’a jamais été autant banalisé, il est temps de tourner avec respect une page de notre Histoire pour en ouvrir une nouvelle.
Il est temps d’agir pour panser ce passé et construire un avenir ensemble.
Les travaux de la commission spéciale ne sont qu’une étape. Ils ne clôturent rien, ils ouvrent des perspectives. Le contenu est disponible, accessible. Nous ne pouvons qu’inviter chacun à s’en saisir, poursuivre les recherches, décoloniser les esprits et, comme le suggère si bien Madame Valérie Rosoux, une des expertes qui nous a accompagnés durant toute la durée de notre travail, à “rallumer la dignité”
Tous ensemble, essayons de rallumer la dignité.
Christophe Lacroix, Jean-Marc Delizée, Malik Ben Achour, députés fédéraux du groupe PS
Le titre est de la rédaction. Titre original: « Après le choc engendré par l’échec de la fin de notre Commission spéciale sur le passé colonial, rallumons la dignité ! »
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