Mohammad Mehdi Karami : « Ne le dis pas à maman » (chronique)
«Ne le dis pas à maman.» C’est à son père, par téléphone, que Mohammad Mehdi Karami le demande, le 7 décembre dernier. Mohammad Mehdi Karami, champion de karaté, 22 ans. Engagé dans le combat à huis clos opposant, depuis cinq mois en Iran, des filles et des garçons à un régime ayant transformé le pays en un immense camp de détention, de torture et d’exécution.
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«Ne le dis pas à maman.» Ce jour-là, c’est depuis une prison de ce camp d’effroi que Mohammad Mehdi Karami appelle. Il avait rejoint le mouvement de contestation déclenché par la mort de Mahsa Amini, le 16 septembre dernier, à la suite de son arrestation pour violation du code vestimentaire en vigueur pour les femmes. Son voile ne couvrait pas suffisamment ses cheveux. Un mouvement aux allures de soulèvement de gladiatrices et de gladiateurs dans une arène aux issues de sortie cadenassées et dont le public, 100% masculin, n’est pas là pour se divertir mais pour asseoir ce qui lui reste de pouvoir et de terreur, lâchant ses pires fauves pour massacrer ces impudents qui ont osé le défier. Ces filles et ces garçons dont la majorité n’ont pas 25 ans, parfois pas même 20, tête et mains nues.
« Ne le dis pas à maman.» D’ores et déjà l’une des phrases de l’année. Et assurément la plus belle.
«Ne le dis pas à maman.» Mohammad Mehdi Karami implore son père après le simulacre de procès dont il a fait l’objet, accusé d’avoir tué, avec Seyed Mohammad Hosseini, 39 ans, un membre de la milice des Bassidji, chargée d’assurer la sécurité de la république islamique, lors d’une manifestation, le 3 novembre dernier, à Karaj, capitale de l’Alborz. Les deux hommes, comme toutes celles et ceux qui ont été arrêtés depuis le début de la révolte – près de 14 000, selon l’ONU, dont des étudiants, des médecins, des architectes, des sportifs, des artistes de cinéma, des journalistes… –, furent torturés et jugés sans avocat digne de ce nom, leurs aveux ne valant donc pas une fibre de turban de mollah.
«Ne le dis pas à maman.» Parce que Mohammad Mehdi Karami, en pleurs, informe son père, ce 7 décembre. Parce que les sentences sont tombées. Comme Seyed Mohammad Hosseini, il est accusé de «corruption sur Terre» et de «guerre contre Dieu». Comme Seyed Mohammad Hosseini, il est condamné à la peine capitale. «Papa, je risque d’être exécuté.» Comme une dizaine d’autres manifestants l’ont été depuis début décembre, d’autres ayant succombé en prison ou dont les corps, en bouillie, ont été retrouvés ici ou là, après avoir été embarqués. Mohammad avait lui-même été tellement battu lors de son arrestation, le 5 novembre, que les forces de l’ordre l’avaient cru mort.
«Ne le dis pas à maman.» C’est ce que demande ce garçon de 22 ans le jour où il apprend qu’il va y passer. Ce garçon qui, selon son père, «a toujours essayé de gagner pour l’honneur». Le 3 janvier, la Cour suprême confirme la peine. Le 7, comme Seyed Mohammad Hosseini, Mohammad Mehdi Karami est pendu.
«Ne le dis pas à maman.» Même prononcée en 2022, d’ores et déjà l’une des phrases de l’année. Et assurément la plus belle.
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