Nicolas De Decker

Les valeurs de Trump chez nous, et les les valeurs de Chez nous ici: les trumpistes de l’antitrumpisme

Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Ils disent que Trump est dangereux mais défendent son programme. Ils disent que Chez Nous est extrémiste mais partagent plein de ses valeurs. Ils sont les trumpistes de l’antitrumpisme.

Ils sont partout dans les journaux et très nombreux dans les parlements. Ils disent ce qu’est le bien et le mal, mais uniquement aux Etats-Unis, chez Trump, pas chez nous. Ils sont les trumpistes de l’antitrumpisme.

Ils disent que son élection est une menace pour la démocratie. Ils le répètent à longueur de colonnes d’éditoriaux, de pages d’interviews, d’octets de tweets définitifs et pontifiants, Donald Trump est raciste, il est sexiste, il est transphobe, il se sert de son argent pour acquérir de l’influence et raconter n’importe quoi sous couvert de la liberté d’expression. Ils voient bien le danger là-bas, chez les Américains. Ils disent que Trump est raciste là-bas parce que son programme propose de réprimer les antiracistes les plus offensifs et d’expulser les étrangers sans papiers. Ils affirment que Trump est sexiste là-bas parce que son projet impose de réprimer les féministes les plus radicales là-bas. Ils assurent que Trump est transphobe là-bas parce que sa première décision politique proclame qu’il n’y a que deux genres, homme et femme.

Mais ici, ils mettent en garde contre les antiracistes les plus offensifs, ils réclament l’expulsion de chez nous des étrangers sous ordre de quitter le territoire, ils moquent les féministes les plus radicales d’ici, ils trouvent qu’il faudrait quand même bien inscrire quelque part qu’ici, chez nous, il n’y a que deux genres, homme et femme. Et dès qu’ils découvrent un milliardaire de chez nous pour dire qu’on ne peut plus rien dire ici à cause des syndicalistes, des antiracistes, des féministes et des transgenres, ils en font un héros d’ici.

Les trumpistes d’ici haïssent Trump chez les Américains, mais ils portent son message chez nous. Ils savent ce qui est le mal qu’on peut dire aux Américains et le bien qu’on ne peut pas dire ici, et donc ils savent que traquer le wokisme chez nous, c’est bien, mais traquer le wokisme chez eux, c’est mal.

Coïncidence de notre nouvelle ère, ce sont souvent les mêmes, ceux qui disent la même chose que Trump ici tout en disant détester Trump là-bas, qui disaient la semaine dernière que les cadres du parti d’extrême droite Chez nous ne seraient chez eux dans un parti démocratique que lorsqu’ils auraient publiquement et durablement renoncé à leurs anciennes valeurs pour en embrasser de nouvelles, mais qui ne précisent jamais lesquelles. Devront-ils chez nous cesser de traiter la RTBF de «ministère de la censure et de la propagande»? Arrêter ici de dire qu’il faut expulser tous les étrangers sous ordre de quitter le territoire? Ne plus penser qu’«Elio Di Rupo a ruiné la Wallonie»? Interdire le changement de sexe pour les mineurs ici ou l’abaya chez nous? Abandonner l’idée de «punir la racaille propalestinienne», l’intention de lutter contre le wokisme, l’impulsion de soutenir inconditionnellement les forces de l’ordre? On n’en saura jamais rien. Parce que les trumpistes sans Trump préfèrent coller des étiquettes confortables que de retrouver chez eux des contenus qu’ils défendent alors qu’ils les réprouvent Chez nous.

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