Gérald Papy

Les politiques français discrédités, quelle surprise

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

C’est un camouflet cinglant pour la classe politique française. Et il faut bien reconnaître que le constat ne surprend guère si on regarde la conjoncture politique depuis la décision fracassante de dissolution de l’Assemblée nationale prise par le président Emmanuel Macron.

Une enquête de l’institut de sondage Ipsos pour Le Monde, réalisée entre le 26 juillet et le 1er août (le second tour des législatives avait révélé ses résultats, mais le président n’avait pas encore commencé ses consultations pour la désignation d’un Premier ministre), établit qu’aucune personnalité politique ne récolte plus d’opinions favorables que de jugements défavorables. Dans ce «palmarès de la détestation», le leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, arrive loin en tête avec 83% d’opinions défavorables, résultat éloquent au regard des déboires de la coalition du Nouveau front populaire (NFP). Le président Emmanuel Macron le suit avec 69% d’avis négatifs, devant, ironie de l’histoire, celui dont il s’est affranchi il y a huit ans, François Hollande (67%), Eric Ciotti (65%), le «traître» des Républicains rallié au Rassemblement national, le centriste François Bayrou (64%), et le leader de la Droite républicaine, Laurent Wauquiez (60%). La septième place de Marine Le Pen (59% d’opinions défavorables), en vertu du passé de son parti d’extrême droite et du front républicain qui lui a encore été opposé lors des législatives des 30 juin et 7 juillet, a quasiment la saveur d’un brevet de respectabilité. Dans le nivellement par le bas du fait de la défiance accrue, les détestés d’hier bénéficient d’une forme de banalisation.

Seuls semblent surnager dans cet océan de mépris, le Premier ministre démissionnaire Gabriel Attal (44% d’avis favorables, 50% de négatifs) et un de ses prédécesseurs, Edouard Philippe, aujourd’hui en réserve de la République (42% et 50%). Qui a dit que Matignon était un enfer pour son locataire?

Le bilan global est surprenant quand on se rappelle que le scrutin législatif a suscité un engouement significatif, avec un taux de participation de 66,7% des électeurs, record jamais atteint depuis 1997. Il est surtout inquiétant, d’autant que la suite de l’histoire (après la date du sondage, il y a eu le lancement des consultations d’Emmanuel Macron, le rejet de la candidature de Lucie Castets, au nom du NFP, au poste de Première ministre, et, deux semaines plus tard, la difficulté persistante de lui trouver une alternative) n’indique pas que l’appréciation des politiques pourrait fondamentalement changer. De surcroît, s’ils font le contraire de ce que les Français souhaitent les voir faire.

Dans l’Enquête électorale française de l’Ipsos, 73% des sondés estiment qu’à la suite des résultats des élections législatives, «Emmanuel Macron devrait s’en tenir à un rôle d’arbitre neutre qui facilitera les négociations entre les partis, quels qu’ils soient». C’est tout l’inverse que le président français réalise depuis le 23 août. Rapporté à la réalité belge, on dirait qu’il est informateur, formateur, médiateur, démineur… Est-ce opportun? Il ne faudra pas attendre la prochaine enquête d’Ipsos pour jauger les dégâts de cette obsession.

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