Joseph Ndwaniye
L’église du Béguinage, une maison qui lutte pour la justice sociale
L’église du Béguinage, à Bruxelles, accueille toutes les spiritualités et tous les combats. Une maison comme une invitation aux plus belles rencontres.
Je connais bien cette place dont j’arpente régulièrement les pavés. Elle est située à mi-chemin entre le haut de la ville et mon domicile sis au nord de Bruxelles. Quand j’ai reçu l’invitation à un événement littéraire, j’ai juste retenu «place du Béguinage». A mon arrivée, j’ai cherché tout autour de l’église une salle qui aurait pu se prêter à ce type d’événements. J’ai repéré un restaurant éthiopien où des clients dînaient tranquillement, une bouquinerie fermée, un deuxième restaurant et deux cafés avec quelques clients.
Une femme qui fumait une cigarette assise sur un banc devant l’église et qui me voyait tourner en rond a répondu à ma question muette:
– Vous venez pour la soirée littéraire?
– Oui, Jean-Dominique Burton et Jephan de Villiers présentent leurs nouveaux livres. Mais je ne trouve pas l’adresse qu’on m’a indiquée.
– Suivez-moi, j’y vais aussi. Les titres de leurs livres m’ont interpellée: Visions (Prisme, 408 p.) et Arboglyphes (Prisme, 84 p.).
Je n’avais jamais poussé l’immense porte en fonte surmontée d’une tête d’angelot et d’une draperie qui garnit les écoinçons. La seule image que j’en avais, c’est l’installation de réfugiés afghans en novembre 2013. L’organisateur de la soirée m’a raconté que cette église est un lieu de rencontres où toutes les spiritualités et les combats sociaux se retrouvent, dont l’accueil et la défense de réfugiés. C’est bien ce qu’indique l’affiche apposée sur la façade: «House of Compassion: une maison sensible au cri de l’homme et de la Terre en détresse. Une maison qui lutte pour la justice sociale.»
Depuis le XIIe siècle, ce quartier est un lieu d’accueil. D’abord par la création du grand béguinage. Il rassemblait des femmes, des béguines, qui consacraient leur vie à Dieu, et vivaient en communauté sans prononcer de vœux perpétuels. A cette époque, il n’existait pas d’autre choix que le couvent ou le mariage. Elles, elles pouvaient à tout moment sortir de la communauté. Les autorités religieuses ne voyaient pas d’un bon œil ce mouvement, craignant que des idées non orthodoxes se développent parmi des femmes échappant ainsi à leur contrôle.
Cette église classée a aussi une fonction muséale. Dès l’entrée, une série de peintures se présente aux visiteurs. J’ai pu découvrir des artistes de l’Amazonie péruvienne inspirés par les mythes de leur forêt, ainsi que des œuvres nées d’un projet artistique mis en place par les résidents d’un centre psychiatrique. Voyant mon étonnement, mon guide a continué à expliquer que l’église est ouverte sur des réalités contemporaines, de justice sociale, d’environnement… Des célébrations continuent à se dérouler dans le chœur, mais il n’y a plus de sacrement. C’est plutôt devenu une église thématique avec des conférences, des concerts, des expositions. Ces événements sont parfois suivis de repas à «la table du Saint-Esprit», dressée au centre de l’église. Elle symbolise le partage comme du temps des béguines.
Une maison sensible au cri de l’homme et de la Terre en détresse.
En sortant de cette soirée enrichissante, j’ai pris la rue de l’Infirmerie, qui part de la place. Avant la suppression du grand béguinage en 1803 et la reprise de son patrimoine par la Ville de Bruxelles qui en fera le grand hospice actuel, elle conduisait à l’infirmerie des béguines. D’ailleurs, dans l’église se trouvent deux tombes d’infirmières. Non loin repose un corps en papier prisonnier de barbelés à côté duquel gît un cercueil vide, symboles de migrants disparus en Méditerranée ou dans le désert qui n’ont pu être accueillis ici.
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