Georges-Louis Bouchez, président du MR, et David Leisterh, président du MR bruxellois et tête de liste régionale à Bruxelles, souhaitent réconcilier les libéraux avec les Bruxellois d’origine étrangère. © BELGA

La certaine idée de Nicolas De Decker | Le pari audacieux mais dangereux du MR à Bruxelles

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Le MR, à Bruxelles, a recruté des soutiens de poids parmi ceux qu’il taxait autrefois de « communautarisme ». Attention au grand-écart!

En science politique, on appelle ça un réalignement. Il se produit quand un parti se transforme suffisamment pour parvenir à s’attirer la sympathie de segments autrefois indifférents, voire hostiles, de la population.

Or, il y a 20 ans que les libéraux perdent les élections régionales à Bruxelles, et il y a 20 ans qu’ils font perdre les élections à leurs rivaux en Wallonie en faisant passer la Région de Bruxelles-Capitale pour une ingérable addition de communautés «instrumentalisées à des fins électorales». La plupart des éditorialistes et des commentateurs partagent le constat de ce qu’ils nomment, souvent à tort d’ailleurs, «communautarisme».

Il y a aussi 20 ans que libéraux défaits, éditorialistes excédés et commentateurs en colère reprochent, souvent à raison d’ailleurs, aux autres partis – le PS, l’ancien CDH, Ecolo et le PTB principalement – de ne pas perdre les élections régionales à Bruxelles en instrumentalisant certaines communautés à des fins électorales, les mobilisant sur des questions culturelles et identitaires, au prix d’accommodements, voire de contradictions, avec leur doctrine.

Pour ne plus perdre les élections régionales à Bruxelles, les libéraux, alors, ont commencé à se transformer comme il faut, en recrutant des candidats dans les communautés qu’ils trouvaient jadis instrumentalisées. Mais pour ne pas leur faire perdre les élections en Wallonie, les libéraux continuent à faire passer la Région de Bruxelles pour une ingérable addition de communautés «instrumentalisées à des fins électorales».

Tout en continuant donc à dénoncer en Wallonie ce qu’ils appellent, souvent à tort d’ailleurs, le «communautarisme», les libéraux ont recruté à Bruxelles les candidats qu’ils accusaient le plus, souvent à raison d’ailleurs, d’instrumentaliser les communautés où l’on votait peu libéral.

C’est ainsi que l’ancien socialiste Emir Kir, qui n’est pas candidat mais qui a placé des proches sur la liste régionale, l’ancien CDH Bertin Mampaka, qui est candidat, ou l’ancien DéFI Sadik Köksal, qui est également candidat, font aujourd’hui campagne pour le MR à Bruxelles, soit pour le parti qu’ils ont jadis accusé, souvent à raison d’ailleurs, de les accuser, souvent à raison d’ailleurs, de faire du «communautarisme».

Et ainsi que, sur le conflit israélo-palestinien ou sur le Sahara occidental, les libéraux mobilisent des arguments parfois accommodants, voire contradictoires, avec leur doctrine. Ou ainsi encore que, sur la liste régionale libérale une princesse du Saint-Empire romain germanique qui distribue à Uccle des prospectus pour se demander si on aura encore le droit de dire «Joyeux Noël» voisine avec le président d’une association religieuse musulmane «divisée en deux, entre les frères et les sœurs» qui se voue à «l’apprentissage, à la compréhension et à la mise en pratique de l’Islam».

Cette tentative de réalignement doit faire gagner le MR à Bruxelles en s’appuyant sur une addition de communautés. Mais elle ne peut pas les faire perdre sur Bruxelles en Wallonie, où les libéraux accusent les autres de s’appuyer à Bruxelles sur une addition de communautés. C’est pourquoi les libéraux ne doivent surtout pas en parler hors de Bruxelles, sous peine de transformer leur réalignement bruxellois en désalignement wallon.

Les libéraux recrutent dans les communautés qu’ils trouvaient jadis instrumentalisées.

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