Benjamin Hermann

Le lieu commun de Benjamin Hermann | Voitures de société: le dernier chef-d’œuvre de la Vivaldi

Benjamin Hermann Journaliste au Vif

Il existe, dans les arts, de ces œuvres qui concentrent à elles seules tout le génie de leur créateur. Comme des condensés de leur style et de leur virtuosité.

De la même manière, l’accord que le conseil des ministres restreint du gouvernement fédéral a sorti de son chapeau dans la nuit de lundi à mardi représente à lui seul la quintessence de ce que peut encore produire la Vivaldi.

Un accord qui ne satisfait pleinement personne, mais contente néanmoins tout le monde. Un compromis qui permet à chacun de revendiquer un acquis, sans toucher à l’équilibre général. Un arrangement qui autorise à affirmer que l’on maintient le cap, en organisant l’électrification du parc pléthorique de voitures de société, tout en préservant les usagers de moteurs thermiques. Tout en ménageant les autres, qui empruntent le train ou enfourchent leur vélo. La quintessence vivaldienne, assurément.

Rappelons quel était l’os, soulevé par le ministre des Finances, Vincent Van Peteghem (CD&V). Les bénéficiaires d’une voiture de société à moteur thermique risquaient de voir augmenter sensiblement l’ATN (avantage de toute nature) associé à leur véhicule, en conséquence d’une hausse importante de la proportion de véhicules électriques dans le parc automobile belge. Le mode de calcul, fonctionnant par vases communicants, allait fortement pénaliser les utilisateurs de voitures de société à moteur thermique, qui sont privilégiés dans l’absolu, mais n’ont pas nécessairement choisi le type de motorisation de leur engin.

Il fallait moderniser le calcul pour en adoucir l’impact négatif, réclamait le ministre des Finances. Au terme d’âpres discussions gouvernementales, sa demande aura été honorée. Telle est sa petite victoire, obtenue au moyen d’un marchandage plus global, qui ne doit en rien entraver le verdissement annoncé des voitures de société.

A titre compensatoire, Georges Gilkinet (Ecolo) et Petra De Sutter (Groen) ont obtenu un rehaussement du plafond défiscalisé de l’indemnité pour les travailleurs qui utilisent un vélo, mais aussi une augmentation de l’intervention fédérale dont peuvent bénéficier les usagers du train. Telle est leur petite victoire, à eux.

Le vice-Premier libéral, David Clarinval, se félicitait d’avoir pu réfréner la rage taxatoire de la gauche, celle des écologistes surtout, au bénéfice des gens qui travaillent. Il se réjouissait aussi d’avoir pu peser de tout son poids dans d’autres dossiers, intégrés aux négociations pour permettre à chacun de s’en tirer à bon compte. Il s’agit notamment du retrait d’une clause imbuvable aux yeux du monde patronal, qui faisait partie du plan antifraude du ministre Van Peteghem. Telles sont ses petites victoires, à lui.

Les socialistes peuvent se féliciter d’avoir intégré au marchandage une série de revendications contre le dumping social dans les secteurs de la viande, du déménagement et de la construction. Ce dernier secteur s’est indigné d’avoir été pris à partie, malgré lui, dans l’arrangement. Qu’importe pour les socialistes. C’est leur petite victoire, à eux.

Le Premier ministre, Alexander De Croo (Open VLD), victorieux lui aussi, peut même s’enorgueillir d’avoir accouché d’un accord neutre budgétairement.

Dans l’art de ménager la chèvre et le chou, ce fut un incontestable chef-d’œuvre.

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