Benjamin Hermann
Le lieu commun de Benjamin Hermann | Tram, LEZ, etc.: quand le politique change d’avis comme de chemise
Lorsque les alliances changent, il n’est pas rare que les responsables politiques fassent évoluer leur avis sur quelques sujets clivants. Est-ce de l’électoralisme ou de la bonne gestion? Votre avis dépendra du camp dans lequel vous vous trouvez.
«Il n’y a aucun mal à changer d’avis, pourvu que ce soit dans le bon sens.» Attribuée à Winston Churchill, cette citation aux accents machiavéliques trouva une autre déclinaison dans L’Opportuniste, la célèbre chanson de Jacques Dutronc. Celui, pour rappel, qui s’accommodait fort bien du communisme, du socialisme ou du capitalisme, en fonction des circonstances. Il se contentait d’un seul geste, celui de retourner sa veste. Toujours du bon côté, donc.
Dans le même temps, il paraît que seuls les imbéciles se refusent à changer d’avis. Il serait bien triste, sans doute, de s’accrocher obstinément à ses opinions lorsque les faits ou le bon sens invitent à faire l’inverse. Alors les convictions d’un jour peuvent se transformer en inepties dès le lendemain, et vice versa.
L’actualité regorge de ces exemples où, à l’aune des circonstances, des contingences et des alliances, on peut être amené à rectifier son regard sur les choses. On trouvera toujours des arguments pour se convaincre qu’on a pris la bonne direction. Et s’il faut encore en changer, il en sera de même au moment opportun. Ce qui s’apparente à de l’électoralisme chez les autres se muera en bonne gestion dans votre chef. Et le tour sera joué.
Par conséquent, il est parfaitement concevable de défendre l’extension d’une importante infrastructure de mobilité au cœur de la plus grande agglomération de Wallonie, peut-être même de participer activement à la mise en œuvre du dossier, tout en décidant par la suite qu’il est déraisonnable de poursuivre ce projet notoirement dispendieux. Vous emprunterez une autre direction, plus fonctionnelle, moins chère, que vos adversaires qualifieront d’indigente. Dans d’autres circonstances, ils auraient éventuellement pu y souscrire, de même que vous auriez pu vous y opposer. Les arguments ne manquent pas, dans un sens comme dans l’autre.
En matière de mobilité, d’environnement et de vie urbaine encore, vous pouvez accepter un jour de restreindre l’accès à la capitale pour les véhicules les plus polluants et les plus anciens, pour envisager ensuite de postposer la mesure. Vos adversaires écologistes vous le reprocheront, même si en d’autres lieux (en Wallonie) et dans un contexte différent, c’est vrai, ils ont récemment pris une décision similaire à la vôtre. En l’occurrence, en révoquant un choix qui avait été posé en d’autres temps par un ministre centriste, membre d’un gouvernement régional avec les libéraux. C’est à n’y rien comprendre…
Les exemples abondent, décidément. Vous pouvez défendre la méritocratie d’un côté, tout en désignant une commissaire européenne –entre autres– sur un critère de genre de l’autre. Vous pouvez dénoncer ardemment la particratie, tout en désignant en toute verticalité des ministres ou des successeurs. Vous pouvez lutter contre le cumul des mandats, tout en éprouvant quelques difficultés à appliquer cette discipline à vous-même.
Sur l’une ou l’autre face de la pièce, on trouvera toujours un moyen de justifier son positionnement. Un seul geste suffit parfois pour vous en convaincre, quelle que soit votre partie, quelle que soit votre coterie.
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