Benjamin Hermann

Le lieu commun de Benjamin Hermann | Merci qui? Merci Brad Pitt (pour cette photo avec Georges-Louis Bouchez)

Benjamin Hermann Journaliste au Vif

Quand Brad Pitt traîne dans les parages, on se précipite pour poser à son côté. Cette photo-là, sur le plan de communication politique, elle vaut cher…

Quand on est une personnalité politique, on soigne son image. On veille à ce que rien ne dépasse ou on veille à laisser apparaître quelques aspérités. Cela donne une impression d’authenticité, même si c’est le fruit d’une communication politique savamment orchestrée.

Les portraits des puissants ne datent pas d’hier, les monarques en ont abondamment usé. Des photographies, immortalisées avec plus ou moins de spontanéité, sont devenues iconiques, à l’image des celle du Che réalisée par Alberto Korda en 1960, ou celle de Winston Churchill affichant le «V» de la victoire. Les exemples sont innombrables: François Mitterrand et Helmut Kohl main dans la main, Vladimir Poutine torse nu sur son cheval, Nelson Mandela de retour dans sa geôle, Simone Veil à l’Assemblée nationale, etc. La photographe d’Emmanuel Macron, elle, abreuve ses réseaux sociaux de clichés du président, pris sur le vif, donnant l’impression de ne pas poser. La spontanéité, l’authenticité, encore et toujours.

Le président François Mitterrand et le chancelier allemand Helmut Kohl se tiennent la main en écoutant les hymnes nationaux français et allemand lors d’une cérémonie de réconciliation commémorant le souvenir des soldats français et allemands tombés pendant les deux guerres mondiales et scellant l’entente retrouvée, le 22 septembre 1984 à Douaumont, près de Verdun.
© AFP

En Belgique aussi, les politiques soignent leur image. Mais tous ne maîtrisent pas les codes avec autant de brio. Travailler sa notoriété, c’est tout un art. Et dans cet exercice, il arrive de commettre des faux pas, que l’on se soit fait photographier intentionnellement ou non. Bart De Wever en sait quelque chose, lui dont une vieille photo au côté de Jean-Marie Le Pen refait surface à la moindre occasion.

D’autres photos peuvent changer de statut en fonction des circonstances. Pierre-Yves Jeholet avait à l’occasion pris un selfie avec Theo Francken. «L’ami des nazis», avait-on commenté dans certains cercles syndicaux. Ce qui avait provoqué l’agacement dans le camp d’en face, où on considère que l’ami en question est parfaitement fréquentable.

On peut aussi profiter du rayonnement des autres pour se mettre en valeur, ce qui semble simple mais ne l’est pas tant que cela. Imaginez…

Vous êtes épidémiologiste et apprécié du grand public, vous vous engagez dans un parti politique, enregistrez un succès électoral et vous retrouvez ministre régional et communautaire. De visite au Grand Prix de Formule 1 de votre pays, vous posez aux côtés des bolides et, en la publiant sur les réseaux sociaux, vous agrémentez la photographie d’un commentaire sur l’environnement et les question de durabilité. Volée de bois vert et persiflage s’en suivront. C’est raté.

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Imaginez encore: vous êtes président du parti arrivé en tête auprès de l’électorat francophone, vous briguez le mayorat de votre ville, vous vous rendez au même Grand Prix. Là, vous prenez la pose au côté du beau Brad Pitt, vous publiez la photo sur vos réseaux, ironisez sur l’arrivée prochaine de la star sur votre liste. Votre dernière recrue politique feint la jalousie, surenchérit en posant elle-même au côté du beau Brad. Le tout génère de l’audience et du partage. Quelques titres de presse en font même des articles, pendant plusieurs jours: la photo, la réaction de Machin à la photo, les coulisses de la photo, l’envers du décor de la photo, les petits secrets autour de la photo, les conséquences de la photo, l’histoire croustillante de la photo.

C’est cela, une opération de com’ qui l’air de rien, est sacrément bien rentabilisée. Merci les gens, merci les médias, merci Brad.

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