Benjamin Hermann
Le lieu commun de Benjamin Hermann | Les partis qui annoncent leurs préférences avant les élections, est-ce bien ou mal?
Les partis politiques l’affirment tous, avant les élections: «Laissons d’abord l’électeur s’exprimer» avant d’imaginer des coalitions. Dans le même temps, la plupart affichent leurs préférences. Ce qui n’est pas nécessairement problématique.
«S’il est possible de contourner le MR en Wallonie, je n’hésiterai pas une seconde à le proposer à l’assemblée générale d’Ecolo», déclarait le coprésident Jean-Marc Nollet, il y a quelques jours, sur le plateau de la RTBF.
«Tout dépend des résultats, mais si on pouvait choisir, j’ai toujours dit que l’Olivier pour la Wallonie était la coalition la plus naturelle», prévenait récemment Paul Magnette dans La Libre. Le président du PS, qui répète que sa préférence irait à une coalition «la plus progressiste possible», privilégie donc une alliance avec Ecolo et Les Engagés.
Le président du MR aimerait beaucoup que se forme «une majorité la plus au centre droit possible», comme il l’a dit à plusieurs reprises. Georges-Louis Bouchez s’est aussi exprimé aux côtés de Sammy Mahdi, président du CD&V, pour affirmer qu’ils se verraient bien gouverner ensemble, «pour contrer l’axe PS/N-VA» qui se dessine. Un axe qui n’existe pas, selon les nationalistes flamands et les socialistes francophones, dont le président répète également que les programmes socioéconomiques du MR et de la N-VA, «c’est chou vert et vert chou».
Le président de la N-VA, lui, privilégie un zakenkabinet, un cabinet d’affaires, sorte de gouvernement fédéral réduit à sa plus simple expression, destiné à gérer pendant que l’institutionnel se négocie en parallèle.
Certains, à l’instar du président de la FGTB, Thierry Bodson, rêvent d’une coalition PS-Ecolo-PTB, pendant que d’autres espèrent ou redoutent de voir la N-VA s’associer avec le Vlaams Belang.
Les élections n’ont pas encore eu lieu, mais on s’adonne volontiers à ce petit jeu qui consiste à déceler des axes par-ci, des accords préélectoraux par-là. En ajoutant toujours l’indispensable précaution oratoire: «Laissons d’abord l’électeur s’exprimer.»
Ces soupçons réapparaissent lors de chaque scrutin. Ils relèvent au moins autant de la stratégie de campagne que de l’existence effective de telles alliances.
Il est assez rare au final que des choix soient posés, a priori, en toute transparence. En 2009, Elio Di Rupo avait surpris tout le monde, quelques jours avant les élections, en refusant de gouverner avec le MR de Didier Reynders, quels que soient les résultats. Aujourd’hui, quelques exclusives existent bien, à l’égard du PTB ou du Vlaams Belang essentiellement.
S’entendre avant les élections n’est pas incriminable. L’électeur peut voter en connaissance de cause.
Hormis cela, afficher ses préférences n’engage pas à grand-chose, puisque les partis dépendent quand même, accessoirement, du résultat des élections. Dévoiler ses atomes crochus a peut-être un certain sens dans les entités fédérées, mais moins dans la perspective d’une coalition fédérale, où les chances sont grandes de voir encore s’associer un grand nombre de partis.
S’entendre avant les élections n’est pas nécessairement incriminable, au demeurant. L’électeur peut voter en connaissance de cause, il dispose d’informations supplémentaires.
En 2017, le CDH avait mis sur la table la possibilité pour les électeurs de choisir, outre leur vote, la coalition qu’ils privilégient. Des idées similaires avait déjà émergé dans les années 1990, au sein d’autres partis. Difficiles à mettre en place techniquement et juridiquement, elles n’ont pas abouti. Mais elles avaient le mérite d’aborder un des sujets qui suscitent de la suspicion à chaque scrutin, voire un sentiment de confiscation auprès des électeurs.
De ce point de vue, dévoiler ses cartes en toute transparence, plutôt que feindre de ne pas en avoir, pourrait aussi constituer une plus grande marque de respect envers les électeurs.
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