Le lieu commun de Benjamin Hermann | En Europe aussi, le compromis nous va si bien
Il paraît qu’à l’accoutumée, les Belges ne sont pas trop mauvais dans cet exercice. Leur légendaire sens du compromis, utile lorsqu’on s’assied à 27 autour d’une table, peut alors se déployer. C’est ce que les observateurs de la politique européenne disent d’eux. Ou ce que les Belges aiment dire d’eux-mêmes, lorsque leur échoit la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne.
L’arsenal diplomatique belge et les différents niveaux de pouvoir s’y préparaient depuis deux ans. Le 1er janvier, l’Espagne a passé le flambeau à la Belgique pour une présidence semestrielle qui sera marquée par des élections le 9 juin, après quoi elle reviendra à la Hongrie et son Premier ministre eurosceptique.
Le marathon préliminaire laisse place à un sprint intensif. Fin de législature oblige, il revient à la délégation belge d’agir avec célérité pour faire aboutir, sur le plan législatif, une liste de dossiers longue comme le bras. Cette fenêtre de tir se refermera dès la fin du mois de février. Ensuite, la présidence belge s’attellera à poser les premiers jalons de la future législature européenne, toujours avec ce sens du compromis censé lui seoir à merveille.
C’est aussi en ce premier semestre que la campagne électorale doit battre son plein, tant à l’échelon européen que pour le scrutin «de tous les dangers» interne à la Belgique.
Le climat de vive tension politique susceptible d’émerger risque-t-il d’entraver la bonne conduite des affaires européennes? Le scénario doit encore être écrit. Mais le raisonnement inverse peut également être tenu. Alors que l’on n’attend plus grand-chose du gouvernement, fédéral en l’occurrence, consacrer son énergie et sa visibilité médiatique aux questions internationales peut constituer une porte de sortie honorable. Surtout pour les personnalités politiques qui seront exposées, Alexander De Croo en premier lieu, lui qui, en dépit de sondages désastreux pour son parti, entend se positionner en tant qu’homme d’Etat, responsable et au-dessus de la mêlée.
Les problématiques sécuritaires, budgétaires ou migratoires qui agitent l’Europe rendent la période complexe pour endosser une telle présidence. Mais on se souviendra que les précédents passages belges sur ce fauteuil ne s’inscrivaient pas dans un climat de grande quiétude.
Le second semestre de 2001 fut marqué par les attentats du 11 septembre. Et la présidence de 2010 survenait dans un contexte de crise financière, mais aussi, à l’échelon belge, sous la houlette d’un gouvernement fédéral en affaires courantes (la fameuse crise des 541 jours). Ce qui pouvait ressembler à un handicap permit finalement aux membres de l’exécutif les plus concernés par la présidence européenne d’y consacrer plus de temps et d’énergie qu’escompté. A quelque chose malheur est bon.
Une des inconnues, quant à la bonne tenue de la présidence, réside finalement dans la capacité ou non de la Belgique à ne pas laisser transparaître ses divisions, ses inimitiés politiques, ses velléités régionalistes, en période électorale. Quand l’inspecteur s’invite en classe, il arrive que les élèves, même les plus turbulents, s’accordent tacitement à ne pas faire déshonneur au professeur. L’art du compromis à la belge atteindra-t-il ce degré de raffinement? Rendez-vous en juin pour le bulletin.
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