Benjamin Hermann
Le lieu commun de Benjamin Hermann | Déni de démocratie, vraiment?
La démocratie est-elle vraiment bafouée lorsque des partis s’unissent pour en éjecter un autre dans l’opposition? Cette affirmation mérite assurément d’être nuancée.
Monsieur untel est votre nouveau bourgmestre. Madame unetelle s’apprête à ceindre l’écharpe maïorale. Quelques heures après la fermeture des bureaux de vote, les titres de presse annoncent les résultats, les grandes tendances et, souvent, le nom de la personne qui prendra les rênes de la commune durant une demi-douzaine d’années. L’affaire semble pliée. La démocratie a parlé.
Puis patatras, tout est démenti dans la foulée. Une autre coalition se forme, éjectant le vainqueur proclamé dans l’opposition. Pour respecter le choix des électeurs, disent les nouveaux partenaires. Un choix des électeurs qui n’est pas respecté, estime-t-on aussi dans le camp d’en face. Les partenaires rétorqueront qu’il a fallu tenir compte du signal de l’électeur, que c’est la dynamique de progression qui compte, que les gens en avaient marre, qu’ils voulaient du changement. Le vainqueur déchu, lui, rappellera qu’il était le plus fort. Les uns et les autres, en fonction de leur situation, dégaineront la formule qui fait mouche: déni de démocratie.
La frustration est bien compréhensible. Les arrangements politiques et retournements de veste peuvent dérouter. Quelques accords peuvent aussi répondre à des injonctions venues de la tête des partis, pour conforter des équilibres qui dépassent les frontières de la commune. Le tout ne s’exerce pas toujours dans la plus grande transparence. Ces vicissitudes politiques, y compris à l’échelon communal, ne se caractérisent pas toujours par la plus grande noblesse d’âme.
Mais s’agit-il, comme on fait mine de le découvrir, de dénis de démocratie?
On notera d’abord que tous les grands partis, sans exception, se sont déjà adonnés à de telles compromissions. Avant de déplorer ce qui s’est joué dans une commune, il convient sans doute de songer à ce que vos coreligionnaires ont fomenté dans une autre.
On pourra gloser à l’infini sur ce qui importe le plus: la première place, ou les résultats à la hausse de partis qui n’ont pas nécessairement remporté le plus de suffrages. En matière électorale, une seule réalité compte, celle qui consiste à rassembler une majorité de sièges.
La clé Imperiali, qui distribue les sièges au conseil communal, présente la particularité de gonfler la représentation des listes ayant obtenu le plus gros score. Ainsi, il n’est pas rare qu’un parti obtienne une majorité absolue avec moins de 50% des voix. Ce seuil descend parfois jusqu’à 40% ou à peine plus. Qui sera le plus légitime? Le premier parti, majoritaire au conseil communal, ou une coalition réunissant le deuxième et le troisième, majoritaire dans les suffrages? On trouvera, dans un cas comme dans l’autre, de bonnes raisons pour déplorer un déni de démocratie.
La Région wallonne a imposé, dès 2006, la règle selon laquelle le bourgmestre est le candidat ayant obtenu le plus de voix sur la plus grande liste de la majorité. La Flandre vient de faire de même, en allant un cran plus loin dans la transparence des négociations. La Région bruxelloise leur emboîtera peut-être le pas, un jour. Les arrangements politiques y gagneraient sans doute en lisibilité et, partant, en acceptabilité auprès des électeurs. Mais ils ne s’évaporeraient pas comme par enchantement.
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