Benjamin Hermann

Le lieu commun de Benjamin Hermann | Chers voisins du sud, nous vous aimons

Benjamin Hermann Journaliste au Vif

Nos voisins flamands se sont réveillés «dans un autre pays» au lendemain des élections du 9 juin. Les francophones ne pensent finalement pas si différemment des Flamands. Mais est-ce vraiment une bonne nouvelle?

Ce n’était pas qu’un doux rêve apparu dans la nuit du dimanche au lundi. Non, les francophones de Belgique avaient envoyé un signal clair. «Nous nous réveillons dans un autre pays», s’étonnait lui-même le président de la N-VA, Bart De Wever. «C’est assez spectaculaire et inattendu», puisque si les instituts de sondage avaient décelé une bonne forme du MR, couplée à une remontée des Engagés, aucun n’avait annoncé de résultats aussi éclatants.

«Personne n’aurait cru que Bouchez ferait 30%. C’est quand même incroyable», lâchait encore celui qui allait devenir informateur royal. Dans le même temps, l’extrême droite ne décrochait toujours pas l’ombre d’un siège auprès des francophones, tandis que la gauche radicale n’en obtenait pas autant que souhaité, quoi qu’elle en dise. Et ce n’était pas tout…

Moins de 48 heures plus tard, les deux vainqueurs avaient communiqué leur volonté de poursuivre ensemble à tous les niveaux de pouvoir. On ne traîne pas, au travail, on profite de la belle dynamique. «Nous avons toujours eu en Flandre la tradition d’être les premiers. Ça pique un peu, sans doute, mais espérons que l’on pourra rapidement se rattraper», avait lâché un président de parti flamand.

A la Région wallonne comme à la Fédération Wallonie-Bruxelles, cela signifiait que la coalition vraisemblablement au pouvoir durant les cinq prochaines années était toute trouvée, déjà. Le cas bruxellois était plus complexe. Quant au fédéral, le binôme s’en allait négocier en liant ses destinées. Et ce n’était pas tout…

Les deux présidents, et avec eux leurs partis, choisissaient d’initier une large consultation de la société civile, des forces vives, des corps intermédiaires. Au premier jour de ces entrevues, parmi les invités, figuraient les organisations patronales flamandes. Dont le Voka, le réseau d’entrepreneurs flamands que Bart De Wever considérait comme son patron. C’est du moins ce qu’il avait lâché, quelques années plus tôt. Sacrés francophones. Et ce n’est pas tout…

L’alignement des planètes est inespéré et encombrant à la fois.

Quelques jours avant les élections, en fin de campagne, le président du parti devenu la première formation francophone avait débattu avec Bart De Wever. Il lui avait dit, ouvertement, qu’il n’était pas contre une plus grande autonomie financière des Régions. Bart De Wever avait lui-même parlé de «main tendue», qu’il acceptait volontiers, sans imaginer un instant que le président de parti en question supplanterait à ce point le concurrent socialiste.

Sont-ce là de bonnes nouvelles, quand on est président d’un parti nationaliste flamand, et qu’on s’est en partie construit en opposition aux francophones, de gauche, guère volontaires, profitant de la prospérité flamande? Des junkies accros aux allocations, comme l’avait même commenté un jour Bart De Wever.

La petite musique des «deux démocraties» risque de sonner un peu faux, désormais. C’est ce qui s’appelle se faire prendre à son propre jeu. Voilà que les francophones, qui ne pensent pas tellement différemment des néerlandophones, comme l’indiquent les enquêtes, plébiscitent des partis politiques compatibles sur les enjeux socioéconomiques. Mais il y a un fameux «mais». Il apparaît aussi que la vaste réforme institutionnelle tant fantasmée peinera vraiment à voir le jour, c’est purement mathématique, pendant que les deux échiquiers politiques semblent coïncider comme jamais.

L’alignement des planètes est inespéré et encombrant à la fois. Alors, on les aime bien ces francophones, ou sont-ils toujours si encombrants? L’un et l’autre, peut-être.

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