Badinter peine de mort
L'ancien Garde des Sceaux Robert Badinter, figure de l'abolition de la peine de mort.

Le lieu commun de Benjamin Hermann | À ceux qui parlent encore de peine de mort…

Benjamin Hermann
Benjamin Hermann Journaliste au Vif

Enfouissez la fange, enterrez-la profondément, bétonnez le tout, et il en restera toujours quelque chose. Ou quelqu’un pour en brasser les relents. Même lorsqu’il s’agit de lointains souvenirs de peine de mort.

Robert Badinter, l’homme qui restera associé à l’abolition de la peine de mort, s’est éteint le 9 février. Quatre décennies se sont écoulées depuis que, en France, la République choisit de reléguer la guillotine aux livres d’histoire.

En Belgique, il a fallu attendre 1996 pour que la loi abolisse la peine de mort, même si la dernière exécution datait de 1950. Celle du commandant du camp de concentration de Breendonk.

Le principe a été inscrit dans la Constitution en 2005. L’article 14bis – «La peine de mort est abolie» – est succinct et limpide. Enfin, la toute dernière référence à la peine de mort a été rayée de la législation belge en 2020. Un reliquat qui subsistait dans la loi sur les assurances. Le Vlaams Belang s’était abstenu, sans quoi c’eût été l’unanimité.

Robert Badinter est décédé et ce fut l’occasion pour quelques bougres d’agiter une vieille nostalgie. Pas parmi les personnalités politiques, unanimes dans leurs hommages – l’extrême droite aimant néanmoins à entretenir une certaine ambiguïté. Pas davantage dans les médias, ni même auprès de la majeure partie de la population.

Mais enfin, cette petite musique se laissait entendre, çà et là, sur les réseaux sociaux, au détour de quelques échanges, dans les commentaires. Le voilà parti, Badinter. L’occasion n’est-elle pas belle de faire machine arrière? Sur le chemin du progrès et des libertés, certains acquis semblent irrévocables, on pense ne plus jamais avoir à les justifier. Mais la mort de Robert Badinter rappelle qu’épisodiquement, dans quelques recoins, il se trouve toujours quelqu’un pour alimenter de vieux fantasmes.

On se trouve alors obligé de ressasser quelques principes, pour s’assurer qu’ils demeurent intacts. Et on se souvient que, non, la peine capitale ne correspond en rien à l’idéal de justice tel qu’il est conçu dans notre démocratie. Qu’elle ressemble davantage à une réciprocité du crime qu’à un quelconque début de réparation.

Qu’elle contrevient totalement au droit fondamental, le plus fondamental peut-être, qu’est le droit à la vie.

Que la peine de mort est, par définition, irréversible et la justice, à moins d’être extrêmement présomptueuse, potentiellement faillible.

Qu’elle ne permet aucune forme de réhabilitation ou de réinsertion.

Qu’elle ne constitue pas un moyen de dissuasion. La peine de mort ne fonctionne pas.

Qu’elle n’est pratiquement jamais souhaitée par les proches des victimes eux-mêmes, sans oublier qu’elle peut infliger d’autres souffrances.

Qu’elle touche majoritairement des catégories de la population déjà discriminées.

Qu’elle reste l’apanage, à quelques exceptions près (le Japon, les Etats-Unis), de régimes qu’on peut difficilement qualifier de démocratiques.

A ceux qui trouvent encore des raisons de vouloir la restaurer, il conviendra peut-être de rétorquer ces évidences, auxquelles pourront s’ajouter les mots que tint Robert Badinter, lorsqu’il laissa éclater sa colère aux commémorations du Vél d’Hiv de 1992. «Je ne demande rien, aucun applaudissement, je ne demande que le silence que les morts appellent. Taisez-vous!»

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