Nicolas De Decker

Le faux effort du MR et des Engagés sur la réduction des frais de cabinets

Nicolas De Decker Journaliste au Vif

La réduction de 10% des frais de cabinets par les gouvernements MR-Engagés n’implique aucun effort de leur part: les deux partis engagent beaucoup plus de cabinettards que sous la précédente législature

Ils en sont très fiers. Ils ont réduit de 10% le coût global de fonctionnement des deux gouvernements, surtout des cabinets ministériels, traditionnellement fort fournis dans nos régions, et c’est un gros effort. Adrien Dolimont (MR), ministre-président wallon, et Elisabeth Degryse (Les Engagés), ministre-présidente de la Fédération Wallonie-Bruxelles, l’ont encore répété lorsqu’ils ont présenté leurs budgets, les premiers d’une législature qui sera, ont-ils promis, très généreuse en économies: «Si on demande à tout le monde de faire des efforts, on doit le faire aussi», ont-ils dit. Et ces efforts qu’ils s’imposent à eux-mêmes via les frais de cabinets avant d’en réclamer à d’autres doivent inspirer tous les francophones, car, a joliment expliqué Adrien Dolimont, «pour être respecté, il faut être respectable». Il y en a au total pour plus de six millions d’euros d’économies, et à les entendre cela représenterait un sacrifice sans pareil. «Proportionnellement, c’est même plus important que les efforts demandés ailleurs», a fièrement précisé le ministre-président wallon à propos de ces 10% et de ces six millions.

Mais de quel effort parlent-ils vraiment?

Ce sens du sacrifice proclamé pourrait éventuellement émouvoir quelques poètes distraits, ceux dont l’attention caracole dans le plus haut ciel des grandes espérances. Mais le sens des proportions, en revanche, devrait énerver les ingénieurs les plus obtus de toutes les circonscriptions. Car ils ont beau avoir un peu réduit la taille du gâteau, les deux partis maintenant au pouvoir se préparent à en dévorer de bien plus crémeux morceaux qu’auparavant. Ce n’est pas en mangeant beaucoup plus d’un gâteau plus petit qu’on se modère, et jamais le MR et Les Engagés n’auront, dans leur histoire, employé autant de cabinettards. Ils ne se sont pas imposé un régime sec, ils sont en pleine prise de masse. C’est aujourd’hui à trouver des gens à recruter qu’ils consacrent toute leur énergie, pas à s’en séparer.

Dans les gouvernements auxquels il participait sous la législature précédente (fédéral, wallon et de la Fédération Wallonie-Bruxelles), le MR disposait de huit ministres, et d’autant de cabinets. Or, lorsque tous les nouveaux gouvernements (fédéral, wallon, de la Fédération Wallonie-Bruxelles, bruxellois) de la législature 2024-2029 seront composés, on comptera en Belgique douze ministres et au moins un président d’assemblée affiliés au MR. Ce n’est pas un effort, quand on reçoit 150% de ce qu’on avait, d’en laisser un petit dixième de côté.

Comme Les Engagés, qui n’avaient aucun ministre entre 2019 et 2024, ne se priveront de rien en passant de zéro à huit cabinets ministériels, quand bien même les moyens publics affectés seraient rabotés de 10%.

Le seul vrai effort aura consisté à gagner les élections et à mériter de gouverner à deux plutôt qu’à trois, ce qui offrit l’accès à davantage de ressources aux deux vainqueurs. Et six millions d’euros ne suffiront pas à transformer ces récompenses du 9 juin en durs efforts. Le MR et Les Engagés disent en faire de plus gros que les secteurs qu’ils mettent à la diète, alors qu’ils se donnent autant de mal qu’une asbl qui refuserait vertueusement un subside sans préciser qu’elle en reçoit trois autres ailleurs.


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