Anne Lagerwall
L’Allemagne, responsable du sort des Palestiniens? (chronique)
Devant la Cour internationale de justice, le Nicaragua accuse l’Allemagne de violer le droit international en soutenant l’Etat d’Israël politiquement, financièrement et, surtout, militairement.
Les 8 et 9 avril se tiendront, dans l’enceinte du Palais de la Paix qui abrite la Cour internationale de justice à La Haye, des audiences dans l’affaire opposant le Nicaragua à l’Allemagne au sujet de la situation qui règne dans les territoires palestiniens occupés. Selon le Nicaragua, l’Allemagne viole le droit international en soutenant l’Etat d’Israël politiquement, financièrement mais aussi et surtout militairement, un soutien maintenu malgré le déclenchement de l’opération militaire israélienne dans la bande de Gaza et les violations du droit international qui l’accompagnent.
L’affaire est remarquable, à deux égards au moins qui la distinguent de l’affaire opposant l’Afrique du Sud à Israël sur le sort des Palestiniens. D’une part, l’action vise un Etat tiers, autrement dit un Etat qu’on n’identifie pas comme le principal responsable des exactions. D’autre part, les violations alléguées concernent la Convention pour la prévention et la répression du génocide mais également une série d’autres obligations découlant du droit international conventionnel et coutumier. L’Allemagne est accusée de violer son obligation de prévenir le génocide qui serait perpétré à l’encontre de la population palestinienne dans les territoires occupés par Israël et, en particulier, dans la bande de Gaza, mais également son obligation de ne pas contribuer à sa perpétration. Mais le Nicaragua prétend aussi que l’Allemagne ne s’acquitte ni de son obligation de respecter et faire respecter le droit international humanitaire qui régule la manière dont les Etats prennent part aux conflits armés et traite les personnes durant ces conflits ou dans le contexte d’occupations territoriales, ni de son obligation de ne pas aider ou assister au maintien d’une situation violant gravement les règles internationales, comme le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et l’interdiction de l’apartheid.
La requête nicaraguayenne rappelle ainsi les obligations auxquelles sont tenus tous les Etats lorsqu’ils sont confrontés aux violations des normes fondamentales du droit international. Le génocide, l’apartheid, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre, l’occupation illicite de territoires et la violation des droits humains de leurs habitants entraînent pour tous les Etats l’obligation de ne prendre aucunement part à la perpétration de telles violations et de mettre en œuvre tout ce qui est en leur pouvoir pour qu’elles cessent. C’est aussi ce qui a été rappelé récemment par plus de 850 professeurs et chercheurs aux autorités belges dans une carte blanche intitulée «La Belgique doit faire plus contre le massacre à Gaza».
Les audiences d’avril amèneront la Cour à déterminer d’abord si elle doit adopter des mesures conservatoires dans cette affaire afin de préserver les droits en cause. La Cour ne tranchera la question de la responsabilité de l’Allemagne que plus tard. Mais il est dès à présent clair que les Etats non occidentaux sont très attentifs à la manière dont les Etats occidentaux s’acquittent de leurs obligations et sont visiblement prêts à en revendiquer le respect devant les instances internationales.
Les Etats non occidentaux sont très attentifs à la manière dont les Etats occidentaux s’acquittent de leurs obligations.
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